Cher Pedro,
Tu risques de voir débarquer sur les ramblas début décembre une troupe de médecins français. Connaissant ta curiosité et ton intérêt aux « choses » de la médecine, je suis certain que tu vas aller leur parler. Il faut que je te renseigne sur ces médecins, et sur les raisons de leur escapade catalane. Je ne veux pas influencer ton jugement que je connais pertinent, mais simplement éviter une trop forte déception à un ami démocrate et progressiste.
Ces médecins sont réellement aujourd’hui dans une grande difficulté, parce qu’ils perçoivent qu’ils sont « dindons de la farce ». Lors de notre dernière rencontre nous parlions, te souviens-tu, des difficultés à comprendre les changements et évolutions d’une société. C’est typiquement ce qu’il leur arrive. L’économie libérale qu’ils défendent, plus par idéologie que par obligation corporatiste, les met dans une situation difficile. La marchandisation du soin transforme progressivement leurs pratiques professionnelles en une succession d’actes marchands. Par exemple, leur responsabilité professionnelle est devenue une valeur financière et leur prime d’assurance est démesurée. Aussi, sans comprendre qu’ils sont assis sur la branche qu’ils sont en train de scier, ils protestent pour obtenir une liberté totale pour fixer le montant de leurs honoraires. Si tu leurs parles, explique-leur qu’au jeu de la concurrence libérale avec les acheteurs de soins (les assurances complémentaires), ils sont forcément perdants. Ils seront de plus en plus considérés comme des prestataires au service d’entreprises qui veulent de la rentabilité et qui n’ont rien à faire de l’éthique, de l’humanisme, du respect de la personne malade qui sont les fondements de l’action de soigner.
Toi qui est un médecin salarié heureux, parce que suffisamment libre pour exercer la médecine de ton choix, tu seras peut être plus efficace pour les convaincre qu’il font fausse route en passant par Barcelone, même et surtout dans cette ville qui s’est battue pour la démocratie.
Adeu l’ami, à bientôt en Catalogne
Ton ami Didier