Un nouveau traitement informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers à l’espace Schengen vient d’être créé.
Dénommé AGDREF2, il permettra de rassembler et d’enregistrer à peu près tout de la vie administrative de chaque étranger – cela concernera près de sept millions de personnes – et, selon leurs compétences, les différentes administrations et agences y auront accès.
Cet exposé ne prétend pas constituer une étude approfondie de ce nouveau fichage, mais, plus modestement, il voudrait en donner un bref aperçu en insistant sur quelques points qui semblent importants. Cela permettra de constater une fois de plus que, au nom de la lutte contre la fraude et de la sécurité, une société policière se met en place, dans laquelle les faits et gestes de tout un chacun peuvent être contrôlés, consignés et communiqués. Les mises en garde et les réserves concernant les atteintes aux libertés individuelles qui découlent de cette logique sécuritaire, ne manquent pas ... mais le développement du fichage ne semble pas prêt de s’arrêter.
Voir en ligne : les fichiers des étrangers
Deux textes sont parus au Journal officiel du 10 juin 2011
- le décret n° 2011-638 du 8 juin 2011 relatif à l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France et aux titres de séjour et aux titres de voyage des étrangers : http://www.legifrance.gouv.fr/affic...,
- la délibération n° 2011-036 de la CNIL portant avis sur ce projet de décret :http://www.legifrance.gouv.fr/affic....
Voila donc créée l’Application de Gestion des Dossiers des Ressortissants Etrangers en France et aux titres de séjour et aux titres de voyage des étrangers (AGDREF2) : un système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, ainsi que de certains documents de voyage pour étrangers.
AGDREF2 fusionne les traitements dénommés AGDREF et ELOI relatif aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, dont les fonctionnalités sont ainsi réunies dans cette nouvelle application. Avant d’être finalisé le projet s’appelait GREGOIRE.
Les finalités
D’après le décret, le traitement a pour finalités de garantir le droit au séjour des ressortissants étrangers en situation régulière et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers en France des ressortissants étrangers et, à cet effet :
1. De permettre aux services centraux et locaux du ministère dont relève le traitement d’assurer l’instruction des demandes et la fabrication des titres de séjour des ressortissants étrangers, de leurs titres de voyage et des documents de circulation délivrés aux ressortissants étrangers mineurs, ainsi que la gestion de leurs dossiers respectifs ;
2. De mieux coordonner l’action des services chargés de mettre en œuvre des procédures intéressant les ressortissants étrangers ;
3. D’améliorer les conditions de vérification de l’authenticité des titres de séjour et celles de l’identité des étrangers en situation irrégulière ;
4. De permettre la gestion des différentes étapes de la procédure applicable aux mesures d’éloignement ;
5. D’établir des statistiques en matière de séjour et d’éloignement des ressortissants étrangers.
Accès aux données
Le fichier constitue une vaste base de données à laquelle une multitude d’organismes et d’acteurs auront accès.
L’accès à AGDREF2 ne sera pas limité aux agents des préfectures chargés de la gestion des dossiers des étrangers. Il sera étendu aux consulats ainsi qu’aux services de police et unités de gendarmerie, à l’OFII, à l’OFPRA, aux organismes sociaux, à Pôle Emploi et, d’une manière générale, à tous les organismes dont la mission nécessite la vérification préalable de la régularité du séjour d’un étranger.
Données enregistrées
Une multitude d’informations personnelles pourront être enregistrées : notamment le numéro OFPRA, les décisions de l’OFPRA de la CNDA seront accessibles à un nombre très important de destinataires (dont les services de police, l’OFPRA, l’OFII, le Pôle emploi, la Sécurité sociale), ce qui laisse présager que ce fichier pourrait enregistrer à peu près tout de la vie administrative d’un étranger et auquel, selon les compétences, les différentes administrations ou agences auront accès.
Elles seront conservées pendant 5 ans et seront accessibles à un nombre important de destinataires (ministères, préfecture, police, douanes, gendarmerie, Pôle emploi ... ).
Pour la plupart des étrangers, les images numérisées de la photographie de leur visage et des empreintes digitales des dix doigts seront relevées et incorporées dans le composant électronique porté par le titre de séjour ; cela concernera :
1. les demandeurs ou titulaires d’un titre de séjour ou d’un titre de voyage d’une durée de validité supérieure à un an ;
2. les étrangers en situation irrégulière ;
3. ou faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.
Exemples de données enregistrées
Quelques exemples donneront une idée des capacités de ce nouveau fichage et des possibilités qu’il ouvre :
- Avis du médecin de l’agence régionale de la santé sur la satisfaction par l’étranger sollicitant un droit de séjour des critères relatifs à son état de santé (sens de l’avis, nombre de jours de séjour autorisés, caractère curable de la maladie dans le pays d’origine, caractère d’exceptionnelle gravité du défaut de soins, maintien sur le territoire autorisé, sursis à l’éloignement autorisé, capacité à voyager) ;
- Regroupement familial : avis du maire ou de l’Office français de l’immigration et de l’intégration sur l’adéquation des ressources au nombre de personnes à charge et sur la salubrité et l’adéquation de la surface du logement à la taille de la famille ;
- Satisfaction de la condition de ressources requise pour l’attribution de certains titres de séjour ;
- Condition d’intégration (sens de l’avis du maire de la commune de résidence sur le respect par l’étranger des conditions d’intégration républicaine ; sens de l’avis du maire de la commune de résidence sur le respect par l’étranger qui sollicite un regroupement familial des principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d’accueil ; date de signature du contrat d’accueil et d’intégration ; respect des conditions fixées au contrat ; sens de l’avis de la direction départementale de la cohésion sociale suite à une enquête sociale) ;
Le fichage ne concerne pas que les étrangers
Depuis la loi relative à l’immigration du 26 novembre 2003, l’étranger qui demande un visa pour la France dans le cadre d’une visite à caractère privé ou familial doit présenter une attestation d’accueil. Et il a été prévu en 2005 de créer dans chaque mairie un fichier des hébergeants dans le but de « lutter contre les détournements de procédure favorisant l’immigration irrégulière ».
La fiche ADGREF2 d’un étranger enregistre les données relatives à la personne qui signe cette attestation : état civil et adresse complète. Cela peut permettre aux autorités de refuser la délivrance d’une attestation d’accueil à un hébergeant qui aurait accueilli précédemment un étranger qui ne serait pas reparti dans son pays d’origine à expiration de son visa. De plus, en cas de dépassement de la validité du visa, ce fichier pourrait permettre aux autorités d’engager des poursuites contre les hébergeants pour « aide au séjour irrégulier ».
Rappelons pour terminer que le traitement ELOI a fait l’objet de nombreux recours ...
Source TERRA : http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4499