L’Observatoire de l’enfermement des étrangers (dont Comede, Fasti, Gisti, La Cimade, LDH, MRAP) lance un appel à signatures associatives pour un droit d’accès dans les lieux d’enfermement d’étrangers

Publié le jeudi 21 mars 2013, par Observatoire de l’enfermement des étrangers, OEE

APPEL A SIGNATURES ASSOCIATIVES

POUR UN DROIT D’ACCES ASSOCIATIF
DANS LES LIEUX D’ENFERMEMENT DES ETRANGERS

Madame, Monsieur, Cher.e.s ami.e.s,

L’administration enferme dans des centres ou locaux de rétention (CRA ou LRA) des personnes de nationalité étrangère aux fins d’organiser leur « éloignement du territoire ». Les étrangers retenus peuvent être protégés en droit contre l’éloignement (par exemple pour raison familiale, médicale, ou encore en rapport avec la Convention de Genève pour les réfugiés). Les associations fournissant l’assistance juridique des étrangers dans les CRA témoignent régulièrement des cas de violation des droits, et doivent faire face en 2013 à une nouvelle diminution de leurs moyens et à la dégradation de leurs conditions d’exercice de la part du ministère de l’Intérieur. Dans ce contexte, il est essentiel que le droit d’accès dans les lieux d’enfermement administratif soit garanti aux associations de défense des droits fondamentaux, de soutien et de soins aux étrangers.

Ce droit est prévu par la législation européenne : l’alinea 4 de l’article 16 de la directive européenne du 16 décembre 2008 dispose que « les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention (...) ces visites peuvent être soumises à autorisation ». Mais le décret du 8 juillet 2011, pris en application de la loi de juin 2011 réformant le Code de l’entrée et du séjour des étrangers, a retranscrit ce droit d’accès de manière très restrictive :
-  les associations ne peuvent habiliter que cinq personnes pour exercer leur droit d’accès ;
-  le droit d’accès dans un lieu de rétention est limité à une seule association à la fois ;
-  les associations sont tenues de prévenir de leur visite vingt-quatre heures à l’avance ;
-  l’habilitation des associations relève du seul ministère de l’Intérieur, alors même qu’il est chargé de l’organisation et de la gestion des lieux d’enfermement.
En outre, le décret ne précise pas l’étendue des locaux accessibles dans le cadre du droit d’accès.

Sur requête des organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), le Conseil d’Etat a déjà annulé une disposition abusive du décret, qui entendait interdire le droit d’accès aux associations conventionnées par l’Etat pour apporter aux étrangers une aide à l’exercice de leurs droits dans les lieux de rétention. Mais selon nous, les autres dispositions de ce décret compromettent l’exercice effectif du droit de regard de la société civile sur les lieux d’enfermement administratif des étrangers.

L’OEE a élaboré une plateforme de revendications pour l’exercice de ce droit d’accès (ci-jointe), que nous avons présentée au cabinet du Premier Ministre le 31 juillet, puis au cabinet du Ministre de l’Intérieur, le 10 septembre. Nous avons notamment souligné que, conçu comme le moyen d’exercer une veille citoyenne dans les lieux d’enfermement, ce droit d’accès doit être autonome et complémentaire – et non pas concurrent - de celui qu’exercent déjà les nombreuses associations qui apportent une assistance particulière aux personnes retenues. Nos interlocuteurs ont manifesté leur intérêt pour cette démarche et semblaient souhaiter que le dialogue se poursuive sur la mise en œuvre de ce dispositif.

Malheureusement, au cours des derniers mois, le ministère de l’Intérieur semble en avoir décidé autrement :
-  Le 4 octobre 2012, le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration a adressé un courrier à plusieurs des associations de l’OEE les invitant à solliciter une habilitation dans le cadre des dispositions du décret précité du 8 juillet 2011, pour être autorisées à visiter les centres et locaux de rétention. Nous avons répondu par courrier du 12 novembre 2012, que nous n’entendions pas, en sollicitant une telle habilitation, cautionner un dispositif à ce point contraire aux objectifs de transparence qui sous-tendent les dispositions de la directive susvisée.
-  Le 22 février 2013, ayant appris que certains services de police procèdent, dans le cadre de procédures d’éloignement, à des notifications des droits mensongères [il a pu être ainsi notifié à un étranger « qu’il pourra contacter les associations suivantes : … GISTY au 01 43 14 84 84 » et ce, alors même que le Gisti était l’un des signataires du courrier du 12 novembre 2012 confirmant qu’il n’entendait pas solliciter d’habilitation], l’OEE adresse une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur pour protester contre ces pratiques et demander que la question de l’accès des associations dans les lieux de rétention soit entièrement réexaminée.

La plupart des associations compétentes ayant refusé de se prêter à un dispositif qui ne garantit par leur liberté d’action, les personnes enfermées en rétention demeurent privées du droit de regard de la société civile dont ils devraient pourtant bénéficier. Le droit d’accès des associations « compétentes » est essentiel pour faire face à la dérive carcérale de ce dispositif d’enfermement, et pour soutenir l’action des associations assurant l’assistance juridiques ainsi que celle des personnels soignants intervenant au sein des Unités médicales des CRA. Association de défense des droits fondamentaux, de soutien et de soins aux étrangers, nous vous demandons de soutenir la plateforme ci-jointe en la signant.

Merci de transmettre vos réponses à l’une des organisations membres de l’OEE, ou à <arnaud.veisse@comede.org> .

Les membres de l’OEE : ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers), ANAFE (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers), Comede (Comité médical pour les exilés), Emmaüs France, FASTI (Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés), GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), La Cimade, Ligue des droits de l’Homme, MRAP, Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau, Revue Pratiques, SM (Syndicat de la magistrature), SMG (Syndicat de la médecine générale), SAF (Syndicat des avocats de France).

Premiers signataires soutenant la plateforme :
Ardhis
Association Elena
Association Femmes de la Terre
Association Les ailes de Siligi 13
Association Primo Levi
Observatoire Citoyen de la Rétention 77

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