Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 : encore une attaque contre les arrêts de travail

Publié le mardi 8 novembre 2022, par SMG

Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 [1], il est prévu que les arrêts de travail prescrits en téléconsultation ne soient pas indemnisés si le/la médecin n’est pas le/la médecin traitant ou n’a pas déjà vu le ou la patiente dans l’année. Ce dispositif apparait dans le paragraphe de « lutte contre les abus et les fraudes ».

Encore une fois, les demandes d’arrêts de travail sont suspectées d’être fausses ou abusives [2]. Encore une fois, médecins et patientes sont suspectées de s’entendre pour profiter de la situation. Alors que ce même document prévoit d’officialiser tous les modes de téléconsultations dites nécessaires pour pallier les problèmes d’accès aux soins. Bien que les téléconsultations soient des consultations insatisfaisantes car sans présence physique ni échange direct, seule cette prescription là (l’arrêt de travail) est remise en cause dans ce dispositif. Pas de remise en cause des prescriptions d’antibiotiques pour otite ou d’imagerie pour un genou douloureux par exemple, alors que l’examen physique est pourtant nécessaire. On voit bien ici le 2 poids, 2 mesures avec toujours une suspicion pour les arrêts de travail. Pour nous soignantes, l’arrêt de travail est un outil thérapeutique au même titre que les autres prescriptions. C’est un acte médical, décidé après entretien avec le ou la patiente en complément d’examens, de médicaments ou d’avis spécialisé si besoin. L’arrêt de travail est nécessaire pour le maintien ou le rétablissement de son état de santé et pour lui permettre de se soigner. Et il ne faudrait pas oublier les situations où la personne malade refuse l’arrêt de travail qui lui est proposé (en raison de problèmes financiers ou par conscience professionnelle) ; ce qui n’est pas rare en consultation de médecine générale ou spécialisée.

Comment fait-on lorsque l’on n’a pas de médecin traitant ? Que l’on n’a pas consulté car on était en bonne santé ? Qu’on habite à plusieurs kilomètres du premier centre de santé ? Qu’on ne trouve pas de rendez-vous à moins d’une semaine ? Qu’il n’y a pas de service de visite à domicile et que l’on ne peut pas aller travailler parce que l’on est tombé malade ? On va aux urgences de l’hôpital le plus proche ? Ce n’est sans doute pas l’effet souhaité.

Les indemnités journalières en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident ont été créées pour garantir l’état de santé des travailleurs.euses et les protéger socialement (ainsi que leur famille). C’est une des principales missions de la Sécurité sociale. La population vieillit et travaille plus longtemps. Avec l’éloignement de l’âge de la retraite, ce phénomène risque d’augmenter encore. On peut se rappeler que la moyenne de l’espérance de vie en bonne santé en France est actuellement de 65 ans [3].

Depuis l’invention du « trou de la Sécu », celle-ci et le gouvernement n’ont eu de cesse que de restreindre les droits à l’arrêt de travail. Il y a eu l’institution des jours de carence, l’obligation d’inscrire la pathologie motivant l’arrêt de travail, puis la proposition codifiée du nombre de jours à prescrire selon ces motifs, l’obligation pour une prolongation de la faire faire par le même médecin ou son/sa médecin traitant… sans compter l’évolution des modes de contrôle, avec la visite par l’employeur validée par l’assurance maladie. L’ensemble de ces mesures restreignant l’arrêt de travail a toujours eu comme leitmotiv le même discours sur la fraude, à l’origine d’une dépense inconsidérée. On rappelle cependant que les dépenses liées aux indemnités journalières ne représentent que 2.6% des dépenses de santé annuelle [4].

Quand cessera-t-on de prendre les patientes et les médecins pour des fraudeurses, et les demandes d’arrêt de travail pour des cadeaux échangés contre le prix d’une consultation ? Le sujet est beaucoup plus sérieux : il concerne l’accès aux soins auquel il faut réfléchir autrement que par la mauvaise solution de la médecine à distance, et de la dégradation des conditions de travail qui, associées au vieillissement des travailleurseuses, ont des répercussions sur leur état de santé.

Nous demandons la suppression de cet article de la loi de financement de la Sécurité sociale et le respect de la parole des patientes quand ils ou elles parlent de leurs problèmes de santé ou de leur souffrance au travail.

Lire aussi

Contre la grève du 1er et 2 décembre, d’autres voix s’expriment : le SNJMG ; La santé, un droit pour tous

1er décembre 2022
par La santé, un droit pour tous, Syndicat national des jeunes médecins généralistes, SNJMG
Une grève ? Pas celle-ci. Le SNJMG ne s’associe pas à la grève du 1-2 décembre, et ce notamment à cause des revendications libérales comme l’augmentation du prix de la consultation auxquelles …

Grève des 1er et 2 décembre : le SMG n’appelle pas à la grève

22 novembre 2022
par SMG
Le Syndicat de médecine générale ne s’associe pas à l’appel à la grève lancé pour les 1er et 2 décembre par un groupe de médecins libéraux·ales et repris par d’autres syndicats. La défense d’un …

Communiqué SMG et Solidaires - Réforme de la médecine du travail : confusion des rôles

19 mai 2022
par SMG, Union syndicale Solidaires
La loi du 2 août 2021 « pour renforcer la prévention en santé au travail » instaure le flou dans les rôles respectifs des professionnel·les de santé qui accompagnent les salarié·es dans la prise …

7 Avril 2022, Pour faire de « La Journée Mondiale de la Santé » « Notre Journée Mondiale Citoyenne de la Santé »

4 avril 2022
par SMG
Les politiques publiques menées dans toute l’Europe dans le domaine de la santé et de la protection sociale, au nom d’une dette qui n’est pas la nôtre, ont conduit à une dégradation continue et …