Inégalités territoriales d’accès aux soins

Analyses et propositions du SMG - 11 novembre 2023

Publié le mardi 14 novembre 2023, par SMG

Depuis plusieurs années, la question des déserts médicaux occupe le devant de la scène lorsqu’il est question de soins de premiers recours. Nous avons donc voulu nous pencher spécifiquement sur la question des inégalités géographiques d’accès aux soins.
Ce travail fait suite à l’analyse du SMG sur les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), et surtout au texte : « Quelle organisation territoriale de santé voulons-nous ? ».

Plan du document
Introduction
I. Concernant les usagerères
II. Les leviers à actionner du côté des professionnelles
1. La formation
2. Les conditions d’exercice
3. Les conditions nécessaires pour une réelle coopération avec les nouveaux métiers au service des habitantes (synthèse)
4. La question de la limitation à l’installation des médecins (synthèse)
III. Le service public territorial de santé (SPTS)
Conclusion
Synthèse des propositions du SMG
Bibliographie
Annexe I : Les conditions nécessaires pour une réelle coopération avec les nouveaux métiers au service des habitantes
Annexe 2 : La question de la limitation à l’installation des médecins

Introduction

Depuis plusieurs années, la question des déserts médicaux occupe le devant de la scène lorsqu’il est question de soins de premiers recours. Nous avons donc voulu nous pencher spécifiquement sur la question des inégalités géographiques d’accès aux soins.
Ce travail fait suite à l’analyse du SMG sur les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) [1], et surtout au texte : « Quelle organisation territoriale de santé voulons-nous ? » [2].
Nos réflexions et propositions restent sous-tendues par les mêmes principes et valeurs :
-   Une véritable démocratie sanitaire, tant au niveau local que national.
-   L’accès aux soins n’est qu’un des déterminants de la santé qui dépend surtout des conditions de vie (logement, travail, environnement...).
-   La priorité mise sur la lutte contre les inégalités sociales de santé pour favoriser l’accès aux droits (et notamment à des soins de qualité pour toutes), de façon à répondre aux besoins de chacune (selon le principe fondateur de la Sécurité sociale « chacune cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins »).
-   La santé est un bien commun qui ne peut être marchandisé et tout profit doit donc être exclu.
-   Un véritable service public territorial de santé reconnaissant les 3 dimensions « Éducation », « Social » et « Sanitaire » comme partie intégrante de la santé, ce qui permettrait de développer une véritable politique de santé publique de proximité basée sur la prévention et la promotion de la santé.

De nombreuses études dressent des constats similaires sur lesquels la plupart des acteurtrices s’accordent. Par exemple, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) projette une diminution de la densité médicale en France dans les prochaines années à partir de l’hypothèse de comportements et de législation constants, compte tenu de l’augmentation de la population. Cette baisse est encore plus forte si l’on considère la densité médicale standardisée, qui tient compte de la hausse des besoins de soins induite par le vieillissement de la population. La densité médicale standardisée ne retrouverait son niveau actuel qu’au milieu des années 2030 puis repartirait à la hausse pour être supérieure de 23 % à la densité actuelle en 2050 [3].

Mais la question des inégalités d’accès aux soins ne peut se résoudre à la question de la démographie médicale ni même à celle des professions médicales (sages-femmes, chirurgiennes-dentistes et médecins).
Nous parlons bien là d’une question de désertification sanitaire qui touche l’ensemble des professionnelles des soins de premier recours (aides-soignantes et auxiliaires de vies, infirmierères, kinésithérapeutes, médecins généralistes, dentistes, sages-femmes, pharmaciennes, biologistes, etc.), mais également celleux du deuxième recours que sont les spécialités médicales et chirurgicales dont l’accès est rendu d’autant plus difficile que les dépassements d’honoraires deviennent quasi- systématiques (dans certains départements, il n’y a plus d’ophtalmologue ou de radiologue en secteur 1, c’est-à-dire sans dépassement d’honoraires), accentuant les disparités géographiques et l’éloignement du soin de certaines personnes. Et les structures hospitalières et médico-sociales ne sont pas en reste pour ces difficultés, notamment en terme de recrutement, de moyens humains et financiers (et c’est en psychiatrie [4] que la situation est peut-être la plus grave).
Au-delà du système sanitaire et social, la carence organisée par l’État libéral de l’ensemble des services publics participe à l’aggravation des inégalités géographiques d’accès aux soins, que ce soit du fait d’un manque d’éducation, de logements, de transports, de moyens de télécommunications, etc.

Aujourd’hui, la détresse des usagerères qui ne peuvent accéder aux soins dont iels ont besoin, tant pour des raisons géographiques que financières, rencontre l’épuisement des professionnelles qui ne savent plus comment y répondre.
L’accès aux soins se dégrade, chacune l’observe de son point de vue et ces impuissances qui se font face renforcent les souffrances ressenties. Ces dernières sont liées pour une bonne part à des violences sociales répétées et croissantes, dans un contexte où les inégalités explosent.
Lorsque la demande de soins peut être formulée, l’absence de réponse adaptée conduit à des renoncements aux soins de plus en plus fréquents et de plus en plus graves. Dans le même temps, le modèle libéral de soins de premier recours montre ses limites avec, d’une part un isolement des professionnelles qui renforce leur souffrance au travail, et d’autre part des inégalités de répartition des revenus entre professionnelles, même au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Ces dernières sont majoritairement implantées dans les territoires présentant une moindre accessibilité aux soins et semblent avoir un effet favorable sur le nombre de médecins généralistes installés [5], même si elles ne sont pas une réponse suffisante aux déserts sanitaires qui s’étendent. De plus, les contraintes professionnelles imposées via des appâts financiers (Ségur du numérique en santé, Rémunération sur objectifs de santé publique) [6] amènent une forte contrainte administrative et il n’est toujours pas prouvé que ces dispositifs améliorent la santé des habitantes.
L’idée d’un service public territorial de santé a été abandonnée pour des réponses gouvernementales, telles que les CPTS(1) dont les échelles ne sont pas cohérentes avec celles des parcours de soins et sont, au mieux insuffisantes, au pire délétères. Cette approche plébiscite des solutions de dérégulation, court-termistes et démagogiques sur l’accès aux soins (dispositif Service d’accès aux soins, télémédecine, etc.) qui dénaturent le soin, en particulier non-programmé.

Plutôt que d’opposer soignées et soignantes comme tant d’autres le font, nous proposons plutôt de chercher aujourd’hui à faire alliance entre personnes vivant sur les mêmes territoires pour transformer radicalement l’organisation du système de santé.
Nous allons pour cela explorer différents aspects de la question, tant du point de vue des usagerères que des professionnelles en essayant de définir différentes possibilités d’action. En annexe, nous détaillons nos réflexions sur les conditions nécessaires pour une réelle coopération avec les nouveaux métiers au service des habitantes et sur la question de la limitation de l’installation des médecins.
Bien que ce texte puisse paraître centré sur des enjeux médicaux, nous tenons à rappeler qu’il ne pourra y avoir de réponse unique à des problématiques aussi complexes, croisant différents niveaux d’interventions et d’enjeux. Une analyse réduite à la seule question de la démographie médicale serait insuffisante. Un panachage des solutions et des positionnements, tant d’un point de vue temporel que géographique, tant d’un point de vue politique que d’exercice professionnel (et en particulier pluriprofessionnel), nous parait fondamental.

Vous trouverez l’analyse complète en document joint.

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