Lettre ouverte : Pour une politique du médicament au service de la santé

Publié le lundi 15 mars 2004, par SMG

Pour une politique du médicament au service de la santé
Non aux mesures prévues dans la nouvelle directive européenne sur le médicament.

Pour une politique du médicament au service de la santé
Non aux mesures prévues dans la nouvelle directive européenne sur le médicament.

Cette lettre a été lancée par les membres du Comité de Rédaction de la revue Pratiques ; Elle reprend notre analyse et a pour but d’appeler à signer la pétition initiée par la Revue Prescrire. Nous avons reçu de nombreux soutiens. Malheureusement, elle n’a pas été reprise par la presse professionnelle et grand public à qui nous l’avions adressée.

Les caisses d’assurance maladie viennent de négocier avec les médecins généralistes la prescription des médicaments en Dénomination Commune Internationale (DCI) pour compenser l’augmentation du tarif de la consultation. Stimuler la prescription en DCI est positif, mais nous pensons que ce débat est l’un des arbres qui cachent la forêt de la politique actuelle du médicament ; toute la chaîne de décision subit l’influence majeure de l’industrie pharmaceutique : depuis l’expert qui se prononce sur l’autorisation de mise sur le marché (AMM), jusqu’au consommateur en passant par le prescripteur et le pharmacien libéral ou hospitalier, la formation des professionnels du soin initiale et continue, la presse professionnelle ou non.

L’exemple récent d’un nouvel anti-inflammatoire, le célécoxib (célébrex) présenté à tort par le fabriquant comme moins nocif pour l’estomac, illustre cette chaîne sous influence : ce médicament, environ 5 fois plus cher que les anti-inflammatoires plus anciens, a fait l’objet d’une promotion intense auprès des professionnels et d’une présentation erronée dans la presse grand public ; il est ainsi arrivé en 2 ans à la troisième place du classement en valeur des médicaments prescrits sur ordonnance (Le Monde du 20/06/02) et a représenté en 2001 un montant remboursé par l’assurance maladie de plus de 125 millions d’euros (soit la moitié de la somme que les caisses espèrent économiser en demandant aux médecins de prescrire en DCI !!!).

Les données sont connues mais il n’est pas inutile de les rappeler :
-  La recherche en matière de thérapeutique est presque totalement dépendante de l’industrie pharmaceutique qui l’axe sur le médicament et ceci pour des pathologies qu’elle présume rentables, c’est à dire fréquentes et touchant des populations solvables.
-  Les agences nationales et l’agence européenne du médicament, qui autorisent les mises sur le marché sont de plus en plus financées par l’industrie pharmaceutique : à 69% en 2001 pour l’agence européenne. Elles n’ont ni les moyens financiers ni l’indépendance nécessaire pour mener une véritable expertise ; l’industrie n’est pas tenue de fournir des dossiers comparant les nouveaux produits aux médicaments de référence ; il y a un manque total de transparence dans les prises de décision.
-  Dans son rapport pour l’année 2000 la Cour des Comptes a critiqué une formation thérapeutique des médecins laissée au bon vouloir des industriels et la forte activité des visiteurs médicaux auprès des professionnels de santé ( un visiteur médical pour 3 médecins généralistes en activité libérale). Si les laboratoires n’ont théoriquement plus le droit de faire des cadeaux aux médecins, ce sont eux qui en ville et à l’hôpital financent : rencontres, congrès, formation continue, réunions de tour de gardes. Seuls certains secteurs de la formation continue des généralistes échappent à leur présence.
-  En France à l’exception des revues Prescrire et Pratiques, toute la presse médicale est subventionnée par l’industrie pharmaceutique ( directement ou par l’intermédiaire de la publicité).
-  L’industrie pharmaceutique influence les journalistes médicaux de la presse grand public et intervient auprès des associations de malades pour qu’ils fassent pression sur les prescripteurs.

Le lobbying de l’industrie pharmaceutique s’intensifie actuellement auprès de l’Agence Européenne du Médicament, rattachée fait significatif à la Direction Générale « Entreprises » de la Commission européenne et non à celle dite « Santé et Protection des consommateurs ». Un projet de directive est en cours de discussion au Parlement européen ; il vise à réduire le contrôle sur le médicament et à augmenter les ventes : pas de réévaluation systématique au bout de 5 ans pour les AMM, raccourcissement du délai d’examen du médicament par les experts, autorisation de la publicité pour les médicaments auprès du grand public dans certaines pathologies, publicité actuellement interdite en France quand il s’agit de médicaments pris en charge par l’assurance maladie.

Les grands perdants de cette politique sont les citoyens qui financent directement et par le biais de leurs cotisations sociales le coût de prescriptions médicamenteuses n’apportant pas obligatoirement une amélioration thérapeutique. Cette politique risque d’entraîner une nouvelle baisse du remboursement du médicament par la Sécurité sociale et de concourir à la mise en place du « panier de soins », panier restrictif qui seul serait pris en charge par l’assurance maladie et dont le MEDEF s’est fait en France l’ardent défenseur.
Les grands gagnants sont les industries pharmaceutiques qui augmenteront ventes et profits ainsi que les assurances privées vers lesquelles se tourneront les citoyens qui auront les moyens de se payer une assurance complémentaire.
La démocratie est aussi perdante car le débat sur la politique du médicament est totalement court-circuité par des décisions prises au niveau européen sous la pression des industriels, avec l’aval de nos gouvernements.

Un collectif « Europe et médicament » s’est mobilisé pour présenter des amendements à cette directive auprès du parlement ; il regroupe au niveau européen des associations et organisations familiales et de consommateurs, des associations de malades, des organismes d’assurance mutualiste dont la Mutualité Française, des associations et organisations de professionnels de santé dont la Revue Prescrire. Nous soutenons cette initiative et appelons les soignants et les citoyens à signer les pétitions s’opposant à la publicité auprès du grand public pour les médicaments remboursables et à relayer auprès des députés européens la pétition initiée par la Revue Prescrire pour une politique du médicament au service de la santé des populations (BP 459 75527 Paris Cedex 11 ; www.prescrire.org).

SMG-Pratiques

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