Historique
S’interroger pour savoir si les Maisons de Santé (MDS) sont une chance pour la réforme du système de santé conduit inévitablement à se demander de quelle réforme du système de santé nous parlons ? Il est bon, pour tenter de répondre à cette question, de se souvenir des expériences précédentes qui, elles aussi, avaient voulu promouvoir les MDS.
Au début des années 1980, plusieurs centaines de projets de construction d’Unité Sanitaires de Base étaient portés par le Syndicat de la Médecine Générale. Aucun soutien institutionnel n’exista et dans l’immense majorité, ces projets furent combattus par toutes les forces en présences : syndicats médicaux libéraux, ordre des médecins et caisses primaires d’assurance maladie. Seule celle de Loire-Atlantique soutiendra l’USB de Saint-Nazaire, qui vivra trois ans avant d’être à son tour lâchée par l’institution du fait de l’opposition virulente d’un syndicat de médecins libéraux
Quand on regarde aujourd’hui le cahier des charges de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie pour les MDS, on constate que celles-ci ressemblent beaucoup à ce que devaient être les USB. Cela veut-il dire que le SMG avait trente ans d’avance, et que les propositions faites à cette époque ont mis tout ce temps pour trouver une légitimité ? Être en avance sur son temps n’est jamais bon dans ce pays, et il est facile de constater qu’il en fut quasiment de même avec les réseaux de santé, même si ceux-ci ne subirent pas le même ostracisme. Il est tout aussi facile de constater que leur capacité à transformer le système de l’offre de soins fut largement entravée. La légitimité qui nous reste à nous, acteurs de toutes ces transformations, et porteurs aujourd’hui de la construction des MDS, c’est de promouvoir un véritable débat sur le devenir des MDS.
Le concept
1) Distinction entre soin et santé
Nous commencerons par un débat sémantique de la plus haute importance. Il existe une différence fondamentale entre une Maison de Soins et une Maison de Santé et si, aujourd’hui, on confond les deux, c’est parce que tout à la fois les institutions, les experts et les forces représentatives des médecins ont tendance à confondre soin et santé. Il est donc bon de rappeler que le soin est l’ensemble des actes professionnels qui visent à circonscrire une maladie, tandis que la santé est l’ensemble des actes qui visent à maintenir la santé des personnes, c’est-à-dire, le plus possible, un état de bien-être. Dans le soin, le professionnel a la haute main sur l’action, dans la santé, le professionnel du soin rejoint une équipe d’autres professionnels et surtout, la personne en tant que citoyen est au centre de l’action. On comprendra que le champ de la santé est bien plus vaste que celui de la médecine et que réduire la santé à l’absence de maladie est un contresens. Nous avions eu ce débat au début des années 90, quand fut mis en chantier les réseaux qui furent d’abord des réseaux de soins, avant d’évoluer vers des réseaux de santé. Evolution rendue évidente tant le contenu des projets des réseaux était bien celui d’intervenir sur l’ensemble des déterminants qui façonnaient l’expression de la maladie, avec, notamment, la question sociale, la question culturelle et la question environnementale. Nous retrouvons ce débat au sujet des MDS.
2) Les différentes MDS
Cela nous conduit dès maintenant à différencier plusieurs types de maisons, sachant que chacune des ces maisons à sa place. Mais elles ne jouent pas du tout le même rôle dans la transformation du système de l’offre de soins.
- Les Maisons de Soins Pluri-professionnelles visent à faciliter l’exercice des soignants qui y travaillent et améliorer le fonctionnement économique de la structure par la mutualisation des dépenses. Cela permet de quitter l’exercice solitaire de la médecine et du soin paramédical dans de meilleures conditions, tant au niveau du cadre de travail que des conditions financières de l’activité de soin. Ce qui peut être une réponse à la désertification médicale dans le monde rural notamment. En facilitant les conditions d’exercice du soin, on peut penser que de nouveaux soignants franchiront le pas. Les limites des Maisons de Soins sont atteintes lorsque la maison se réduit au seul projet immobilier visant à réunir au même endroit des soignants différents. Nous connaissions déjà ces entités, par les cabinets qui réunissaient plusieurs spécialistes de la médecine, mais chacun travaillant dans un coin de la maison. Le progrès actuel réside seulement sur la mutualisation des frais, notamment ceux du secrétariat. Par contre, ces maisons de soins portent une espérance, celle de voir les professionnels qui y travaillent découvrir les bienfaits de l’action collective et peut-être d’évoluer ainsi vers une MDS. Nous savons, bien évidemment, que ces maisons ne joueront aucun rôle dans la transformation du système de soins en un authentique système de santé, ce n’est pas leur finalité.
- Les Maisons de Santé, elles, sont porteuses de transformations. Elles interrogent de fait la politique de santé du pays, tant au niveau de l’évolution du système de soins, que des transformations des exercices professionnels, que de la santé publique. Et de ce point de vue, elles vont fortement modifier, voire déranger l’existant. Mais dans quel sens ? C’est ici qu’il y a lieu de s’interroger et de débattre, dans un débat public qui concerne l’ensemble des citoyens et surtout pas, seulement, les professionnels, les institutions et les experts.
Un débat global
« Faire » de la santé dans un même lieu réinterroge à la fois les pratiques professionnelles, l’organisation du système de l’offre de soins et de santé, le rôle joué par les différents déterminants de la santé, la place des institutions de santé et aussi la nature du système de protection sociale, public et solidaire ou privé et non solidaire ?
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