Complémentaire santé en entreprise : la poursuite du démantèlement de l’Assurance maladie

Publié le jeudi 21 janvier 2016

Il en va de la complémentaire santé obligatoire en entreprise comme d’une boisson gazeuse célèbre (1). La mesure se présente comme une avancée dans la protection sociale, alors qu’elle met en danger le principe de solidarité de l’Assurance maladie entre tous les citoyens face aux risques médico-sociaux.

Pourquoi ?

1- Ce n’est pas une complémentaire santé pour tous. Elle ne concerne que 400 000 salariés, puisque 3,6 millions de travailleurs du privé concernés, avaient déjà, avant le 1er janvier 2016 (date d’entrée en vigueur de la mesure), une complémentaire santé individuelle.

2- Le mode opératoire est plutôt anti-démocratique, puisque les négociations prévues entre patronat et syndicat par branches professionnelles devant garantir un niveau de remboursement des soins, ont été torpillées par les assureurs, avec la bénédiction du Conseil constitutionnel, sous prétexte de préserver la libre concurrence « gravée dans le marbre » des traités européens.

3- Une guerre économique s’est ouverte entre assureurs, banquiers, à coup de « dumping » tarifaire : « je baisse le prix de ma complémentaire santé pour gagner des parts de marché, avec un panier minimum de remboursement des soins, quitte plus tard, pour faire du profit, à créer une surcomplémentaire individuelle à la charge bien sûr des travailleurs, et à augmenter le prix de la complémentaire santé des personnes non concernées par l’ANI ».

4- Les entreprises continueront de bloquer les salaires contre ce pseudo-avantage social consenti aux travailleurs, à peu de frais pour elles, mais à grand frais pour l’Etat et les contribuables (2 milliards d’euros).

5- L’Assurance maladie risquera de se désengager encore plus des soins courants au motif que « tout le monde » a une complémentaire santé. Ce qui est faux puisque beaucoup de personnes ne peuvent pas s’en payer une (2).
Le SMG vient de signer la charte pour une santé solidaire (3) qui propose que ce soit l’Assurance maladie qui gère les complémentaires santé, comme elle le fait pour la Couverture maladie universelle complémentaire. Pourquoi ce qui marche, qui est solidaire et qui ne coûte pas cher pour les 5,2 millions de bénéficiaires de la CMU (4), ne marcherait-il pas pour toute la population ?

Cela permettrait de lutter enfin contre les inégalités d’accès aux soins et sociales de santé qui vont s’aggraver avec cette usine à gaz, cet « ANI qui nous veut vraiment du mal » (5).

(1) On croit qu’il y a de l’alcool dedans, mais il n’y en a pas. La complémentaire santé en entreprise est une des mesures de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi, signé le 11 janvier 2013 par le patronat et seulement trois syndicats de salariés (CFDT, CGC, CFTC). La complémentaire santé en entreprise est obligatoire depuis le 1er janvier 2016.
(2) Salariés en CDD de moins de six mois, saisonniers, intermittents, chômeurs, salariés de moins de 25 ans, inactifs et personnes au foyer, intérimaires, salariés les plus pauvres (moins de 650 euros/mois), salariés se déclarant en mauvaise santé ou à temps partiel non choisi ; source IRDES (institut de recherche et de documentation en économie de la santé), l’Humanité, 31/12/2015.
(3) http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2015N47594
(4) au 31/12/2014 (chiffre du fonds de financement de la CMU)
(5) Lire aussi CP du SMG : Complémentaire santé d’entreprise : un marché de dupes et un coup porté à la solidarité 28/03/2013 ; P. Volovitch : le mensonge de la complémentaire santé pour tous, Pratiques, les cahiers de la médecine utopique, n°36, 2007 ; même auteur : Complémentaires, une couverture inégalitaire, Pratiques n°54, 2011 ; Interview de F. Pierru : http://www.viva.presse.fr/que-va-devenir-notre-secu-si-plus-personne-ne-la-defend-171292.


Contacts
Patrick Dubreil, président du SMG : 06 32 70 92 37
Guillaume Getz, secrétaire adjoint : 06 22 61 35 12

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