Récemment, les partenaires conventionnels ont accouché d’un texte au registre ouvertement économiciste et technocratique (« médecin généraliste, acteur central du système ; maîtrise médicalisée des dépenses de santé ; pratiques efficientes ; modernisation concrète des échanges ; compléments d’honoraires, etc. »), qui tourne le dos au service public (soins de proximité, hôpital public) et aux valeurs citées en préambule : « solidarité, accès de tous à des soins de qualité ».
C’est un véritable guet-apens. Aurions-nous tort de crier au loup ?
La convention médicale fixe, sans les citoyens, et depuis longtemps sans les syndicats de salariés, le niveau et le mode de revenus des médecins libéraux. Dans le système du paiement à l’acte, majoritaire, la convention fixe ainsi les conditions de l’accès aux soins de toute la population.
Dans le texte de 2016, la prise en compte du travail pluri-professionnel va dans le bon sens, mais il est inscrit au cœur même du développement d’un mode de paiement pervers : des forfaits variables qui sont des rémunérations à la performance sur résultats, comprenant le « forfait structure » et la « Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) », étendue et sanctuarisée. Seule la création du « forfait patientèle médecin » est juste, car il est fixe pour tous les médecins.
Le SMG dénonce :
- L’absence de toute politique de santé publique prenant en compte les déterminants collectifs de santé (sociaux, environnementaux) et la dégradation des soins à l’hôpital public, masquée sous l’euphémisme : « virage ambulatoire ».
- L’abandon d’une mesure forte, le tiers payant total, que nous revendiquons géré uniquement par l’Assurance maladie, et l’absence de promotion de l’indépendance professionnelle vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique, dont il n’est fait aucune mention.
- Le dévoiement de la véritable finalité de la ROSP par la révision des indicateurs ainsi que l’introduction d’une possibilité de les modifier en catimini, sans avenant conventionnel, ce qui illustre la logique de contrôle des prescriptions, en conflit d’intérêt majeur avec la santé des usagers et l’indépendance des médecins (communiqué Danger sur la ROSP et le risque de limitation des arrêts maladie du 16/11/2016).
- La reddition concernant le scandale des dépassements d’honoraires : après changement de nom et relookage superficiel, le « Contrat d’Accès aux Soins (CAS) » devient « Option Pratique Tarifaire Maîtrisée (OPTAM) ». Il s’agit ni plus ni moins d’une approbation et d’une prise en charge progressive des dépassements d’honoraires par l’Assurance maladie au détriment du portefeuille des patients, cotisants sociaux.
- L’informatisation à marche forcée des documents administratifs (certificats d’accidents du travail et de maladies professionnelles, arrêts maladie, protocoles de soin), qui paraît séduisante pour accélérer les soins, mais dont les revers sont nombreux :
- possibilité accrue de surveillance et contrôle insidieux des prescriptions médicales et des patients (1),
- atteinte aux libertés individuelles par le risque de rupture du secret médical via la « messagerie sécurisée-DMP-compatible » (2),
- aggravation des conditions de travail des soignants asservis à l’informatique au détriment de la relation aux patients,
- licenciement des personnels de l’Assurance maladie.
Cette nouvelle mouture conventionnelle complexifie progressivement la rémunération des médecins en y intégrant toujours plus de conditionnalités, propices à toujours plus de contrôle social. Elle n’est qu’une énième démonstration et déclinaison technique d’un système de domination politique qui se reproduit tous les 5 ans, depuis plus de 40 ans, et qui reproduit les inégalités de classes.
Tant qu’on ne tiendra pas compte des besoins de la population, toute politique conduira à l’échec, celui que nous connaissons d’un système conventionnel à bout de souffle, anti-démocratique, englué dans la novlangue néolibérale, qui contredit ses valeurs affichées, est incapable de réduire les inégalités de santé, sans justice sociale et sans vision politique émancipatrice.
Le SMG revendique un système social de soins et de santé pour tous, public, égalitaire, basé sur les besoins de la population, la promotion des soins de santé primaire et l’extension du financement solidaire de l’Assurance maladie.
Notes
(1) Exemple des carcans des « menus d’aides intégrés » : proposition du nombre de jours d’arrêts de travail en fonction de la pathologie, selon des référentiels de la Haute autorité de santé (HAS), plus que douteux sur le plan scientifique.
(2) Dossier médical personnel (informatisé).
Mots-clefs : convention médicale, ROSP, dépassements d’honoraire, inégalités sociales, soins de santé primaire, hôpital public.