La loi autorisant le contrôle des comptes bancaires des « bénéficiaires » de la CMUc est maintenant appliquée. La Sécurité sociale emploie des moyens dispendieux pour limiter une fraude marginale. Cette mesure détériore la santé de tous les « bénéficiaires » en les stigmatisant encore un peu plus.
L’article polémique (1) L114-19 du Code de la sécurité sociale en vigueur depuis le 23/12/2015 (2) est maintenant froidement appliqué (3) : la Sécurité sociale se mobilise pour fouiller, chaque année, les comptes bancaires de 10 % des patients ayant la CMUc (4), notamment à la recherche des solidarités intrafamiliales. La solidarité ponctuelle des proches étant considérée comme un revenu chez ces patients ayant moins de 720 euros par mois pour vivre (sous le seuil de pauvreté).
En pratique, de tels contrôles ne sont pas légitimes puisque la prise en charge à 100 % par la solidarité nationale et une caisse unique devrait être la règle.
Et a contrario de cette nécessité médico-sociale, cette action renforce la stigmatisation des patients les plus pauvres en relayant une idéologie bien loin de l’esprit fondateur de la Sécurité sociale et cherche à détourner l’opinion publique des fraudes aux cotisations, estimées entre 20 et 24 milliards d’euros annuel par la Cour des comptes (5). Cette stigmatisation des patients ayant droit à la CMUc rend encore plus difficile leur accès aux soins, alors qu’ils sont déjà refusés illégalement par 19,4% des généralistes (6) et présentent un taux de mortalité annuel 2,4 fois supérieur aux reste des assurés sociaux (7).
Au lieu de chasser les quelques pauvres qui trichent pour accéder aux soins auxquels chacun a légitimement droit, la Sécurité sociale devrait utiliser ses moyens pour réduire le renoncement aux prestations (17 % pour l’ACS) (8) et aux soins (45,6% des bénéficiaires de la CMUc) (9).
Références
(1) Le scandale du contrôle bancaire par l’Assurance maladie, Syndicat de la Médecine Générale, 22 mai 2015.
(2) Code de la sécurité sociale, article L114-19, version en vigueur au 23 décembre 2015.
(3) Amélie.fr, Programme de contrôles CMU-C, article mis à jour le 17 novembre 2015.
(4) Le Parisien, « CMUc les comptes bancaires contrôlés », 13 mai 2015.
(5) Cours des comptes 2014 : La lutte contre les fraudes aux cotisations sociales : des enjeux sous-estimés, une action à intensifier.
(6) Caroline Desprès (IRDES), Le refus de soins à l’égard des bénéficiaires de la Couverture maladie universelle complémentaire.
(7) Tuppin P., Blotière PO., Weill A., Ricordeau P., Allemand H., Surmortalité et hospitalisations plus fréquentes des bénéficiaires de la Couverture maladie universelle complémentaire en 2009, Presse Med. 2011 ;40:304-14, p. 6.
(8) Fonds CMU, Références n° 43, avril 2011.
(9) Jess, N., Les effets de la couverture maladie universelle complémentaire sur le recours aux soins, Etudes et Résultats, DREES, n° 793, mars 2015. http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er944.pdf, p. 4, 5 et 40.