Cher(e) confrère, cher(e) ami(e),
Il y a un peu plus de 40 ans, le 3 février 1973, paraissait dans le Nouvel Observateur « le manifeste des 331 », pétition signée par 331 médecins qui déclaraient « avoir pratiqué des avortements ou aidé à ce que des avortements soient réalisés ». Cet acte de désobéissance civile faisait écho au « manifeste des 343 », paru 2 ans plus tôt dans le même hebdomadaire, et signé par 343 femmes déclarant avoir avorté. Cette alliance entre médecins et militantes des droits des femmes a contribué à l’évolution de la loi sur l’avortement en France et abouti, le 17 janvier 1975 à la promulgation d’une loi autorisant l’avortement dans certaines conditions.
Aujourd’hui, l’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse est encore largement répandue dans de nombreux pays en voie de développement et plus de 20 millions d’avortements non médicalisés continuent d’avoir lieu chaque année à travers le monde ; 50 000 femmes décèdent de complications liées aux avortements clandestins, tandis que 8 millions d’autres souffrent d’invalidités temporaires ou définitives. Plus d’un tiers de ces femmes n’ont jamais accès à des soins adéquats.
Confronté chaque jour sur le terrain à ce problème majeur de santé publique, Médecins du Monde a décidé de faire de la prévention et de la prise en charge des grossesses non désirées une de ses priorités d’intervention. Ainsi, depuis septembre dernier, au côté d’autres acteurs associatifs comme le Mouvement Français pour le Planning Familial, nous menons une campagne de plaidoyer en vue d’interpeller les pouvoirs publics sur la nécessité d’œuvrer en faveur d’un meilleur accès à la contraception et à l’avortement sûr et légal dans le monde.
C’est dans ce cadre que nous nous permettons aujourd’hui de vous solliciter, en votre qualité de médecin, en vous invitant à signer le manifeste que vous trouverez joint au présent courrier. A travers cette initiative, nous souhaitons démontrer qu’à l’instar de la mobilisation incarnée par le manifeste des 331, de nombreux médecins convaincus du caractère universel du droit à l’avortement, sont également prêts aujourd’hui à se mobiliser pour la défense de ce droit à l’international.
Le 22 septembre prochain, lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies, une session spéciale sera organisée afin de célébrer les 20 ans de la conférence du Caire qui fut, en 1994, une étape décisive dans la reconnaissance des droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Lors de cette échéance majeure, et face à la montée en puissance des groupes conservateurs, il est crucial que la France, avec d’autres pays, réaffirme avec force son engagement à défendre le droit des femmes à décider librement d’avoir ou non des enfants. La publication de ce manifeste, signé par des médecins, pourra sans aucun doute nous aider à convaincre le gouvernement français d’adopter, lors de la prochaine assemblée générale des Nations Unies, une position ferme et déterminée en faveur de l’accès universel à la contraception et à l’avortement sûr et légal.
Notre ambition est de pouvoir réunir d’ici septembre un maximum de signatures de médecins, et de pouvoir publier ce manifeste dans le Nouvel Observateur (idéalement) ou dans un grand quotidien national, quelques jours avant la session spéciale du 22 septembre.
Nous espérons que notre démarche retiendra votre attention et vous invitons le cas échéant à nous communiquer, d’ici le 10 septembre au plus tard, votre nom ainsi que le titre que vous voulez voir apparaitre sur le manifeste à l’adresse suivante : marielle.moizan@medecinsdumonde.net. N’hésitez pas à relayer cette initiative auprès de vos confrères.
Nous restons bien sûr à votre disposition pour vous fournir si nécessaire, toutes les informations complémentaires dont vous aurez besoin.
Nous vous prions d’agréer, cher(e) confrère, cher(e) ami(e), l’expression de nos très sincères salutations.
Thierry Brigaud, Président, Médecins du Monde
Françoise Sivignon, Vice-Présidente, Médecins du Monde
Joël Le Corre, Responsable de mission Niger, Signataire du manifeste des 331