Madame la députée,
Vous nous invitez à vous faire remonter les difficultés rencontrées dans l’exercice des soins psychiatriques. Vous n’êtes cependant pas sans savoir ces « difficultés », chroniques, que nous avons notamment rapportées lors de la commission parlementaire sur la psychiatrie à laquelle vous aviez convié notre syndicat : pénurie de moyens humains et matériel, abandon d’une politique de secteur facilitant l’accès aux soins psychiques pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire, formations lacunaires des soignants dominées par la prévalence scientiste d’une pensée unique de la psychiatrie, restrictions drastiques des budgets alloués à la psychiatrie entrainant la fermeture ou le « regroupement » d’unités de soins dont le fonctionnement à « effectif minimum de sécurité » est depuis longtemps devenu la règle...
L’USP, dans son communiqué du 30 septembre 2019, résumait les conclusions du rapport parlementaire en ces termes : « La psychiatrie était au bord du gouffre, elle doit faire un grand pas en avant ! ». Force est de constater que la pandémie actuelle agit comme révélateur, aux yeux de tous et, hélas, comme élément potentialisant pour patients et soignants, de la crise organisée que connait la psychiatrie, en précipitant ce grand bond en avant... vers l’abime du démantèlement des services publics de santé et de santé mentale !
Il est en effet à craindre, à l’instar de la situation vécue lors de la seconde guerre mondiale, que les personnes atteintes de troubles mentaux soient les premières victimes indirectes de l’épidémie actuelle, en raison de l’incurie et de la négligence coupable d’un gouvernement qui a abandonné toute politique de prévention, depuis longtemps sacrifiée sur l’autel de l’austérité.
Dans les vœux que vous nous adressiez à l’orée de cette année 2020 figurait, en exergue, cette citation de Bernanos : « On ne subit pas l’avenir, on le fait »... Nous devons hélas constater, en miroir, la réalité de cette maxime dans le douloureux présent que subissent maintenant patients et soignants en psychiatrie, victimes d’un avenir qu’une gouvernance sanitaire dominée par le dogme de l’économie n’a jamais su ni voulu anticiper.
Au-delà de l’épisode actuel, nous exprimons à notre tour l’exigence que soit repensée, très globalement, l’organisation des soins psychiatriques sur le territoire afin d’éviter l’émergence d’autres situations « d’urgence » que, de fait, la psychiatrie connait en permanence depuis des années.
Veuillez croire, Madame la députée, à notre vigilance aujourd’hui et demain.
Pour l’USP
Pascal Boissel, président
Philippe Gasser, vice-président