Mon Espace Santé : trop de doutes et trop de risques !

Publié le mardi 18 janvier 2022, par SMG

La gestion de la crise de la Covid-19 par le président Emmanuel Macron et son gouvernement a soulevé de nombreux questionnements en termes de respect des droits fondamentaux et de prises de décisions démocratiques.

Dès le 19 janvier 2022, la création de Mon Espace Santé concernera les 65 millions de Françaises. Après l’échec du DMP [1], le gouvernement a choisi le passage en force : une création de dossier numérique automatique pour chaque Française sans consentement libre et éclairé !

Mon Espace Santé rassemblera des services comme un dossier médical numérique, une messagerie sécurisée, un agenda de rendez-vous, et un panel de services numériques concernant la santé à travers des applications. Autant dire un nombre important de données de santé, qui sont par nature sensibles car touchant à notre vie privée.

Un passage en force du gouvernement et une négation des principes démocratiques

visuel MES 04 801

Alors que ce dispositif était prévu par MaSanté2022 et que l’expérimentation avait déjà commencé dans 3 départements depuis fin août 2021, il aura fallu attendre la fin d’année pour que paraissent l’ensemble des décrets d’application. Comme pour le Health Data Hub (plateforme partagée des données de santé), le gouvernement met encore une fois en œuvre de nouveaux outils numériques utilisant des données personnelles avant de rendre public les modalités de fonctionnement.
Alors que tout le monde a l’esprit occupé par la situation sanitaire liée à la Covid, cette précipitation dans la mise en œuvre est-elle démocratique ?
Comment le gouvernement compte-il, en si peu de temps, informer les personnes pour que chacune puisse comprendre, et consentir ou refuser ?
Un bilan portant sur l’amélioration potentielle de la santé des usageres dans les 3 départements pilotes mérite d’être réalisé et les bénéfices prouvés avant une généralisation. L’argument que cela soit pratique pour les patientes ne suffit pas et reste à démontrer.
Ce passage en force nuit à notre démocratie, niant toute possibilité de débat ou d’opposition.

Une négation du droit des patientes sur le consentement libre et éclairé

Concernant la santé, le consentement se doit d’être explicite, « libre », c’est-à-dire sans pressions ni contraintes, et surtout « éclairé » par des explications précises sur les conséquences du choix de la personne, fournies par des professionnelles formées.
La consultation de Mon Espace Santé par une soignante nécessite l’accord de la personne, sauf en cas d’usage du « bris de glace » [2] .
Aucun consentement n’est prévu pour que les professionnelles y déposent des documents contenant des informations sur l’état de santé de la personne (compte-rendus, résultats, etc).

Le consentement d’une personne en un clic est fragile.

visuel MES 02 801
visuel MES 03 801

Par ailleurs, le ministère de la Santé a choisi le concept d’Opt-out pour l’ouverture des espaces de santé, c’est-à-dire que le consentement est acquis de manière automatique, sauf si la personne fait la démarche de s’opposer dans un délai de 6 semaines après réception de la notification. Ceci n’est pas du consentement.
Le ministère de la Santé rompt le principe du consentement libre et éclairé développé dans les lois conquises ces vingt dernières années pour les droits des patientes.
Que penser d’une société où « quand on ne dit pas non, c’est que c’est oui » ?
Nous nous joignons aux luttes féministes qui travaillent à faire progresser la culture du consentement.
Peut-on parler de consentement lorsque les possibilités de refuser ne sont pas les mêmes pour chacunes ?

Un « consentement » automatique n’est pas un consentement ! Le droit au secret médical mis en péril par la centralisation des données de santé

visuel MES 01 801

Le secret médical que chaque patiente partage dans la relation de confiance avec une professionnelle de santé, permet de garantir liberté, autonomie et sécurité dans les soins. Dans les données de santé, il y a des informations intimes, sur le mode de vie, la sexualité, les maladies contractées, l’état psychique, les IVG pratiquées... etc. La possibilité d’un accès direct à ces données pour tous les professionnelles entraîne un risque de mésusage. Une centralisation des données de santé amène une fragilisation de la sécurité numérique. Le droit des patient.es garanti par le secret médical est directement mis en péril.

Revendiquer un service public indépendant face à la privatisation de la santé

Si le maître d’œuvre de Mon Espace Santé est la CNAM, ce sont des entreprises privées qui ont été choisies pour porter le développement technique. On ne retrouve aucune volonté politique de développer pleinement un service public du numérique en santé, mais comme souvent une délégation de services aux entreprises privées. Cette délégation nuit au service public puisqu’il perd en compétences et en indépendance. Une mise en application technique par la sécurité sociale, sur des principes de gestion paritaire et démocratique, serait pourtant le seul garant d’une indépendance et de la maîtrise de ces outils, ainsi que des données qu’ils utilisent ou produisent.

Trop de risques et trop de doutes Suivant le principe de précaution, refusons l’activation de l’Espace santé numérique

Sans garantie d’amélioration pour la santé de chacun.e,
Parce qu’aucune liberté fondamentale ne doit être bafouée,
Parce que seuls les processus de concertation démocratique peuvent servir le bien commun, 
Parce que le service public est le seul garant d’égalité,
Parce que chacune a le droit au respect de sa vie privée,
Nous dénonçons la mise en place de Mon Espace Santé et appelons à refuser son activation.
Nous demandons un audit indépendant et citoyen sur les bénéfices et risques de cet outil avant toute généralisation de sa diffusion.

Contact : syndmedgen@free.fr - https://smg-pratiques.info/

Retrouvez notre tutoriel pour s’y opposer.

affiche MES SMG


[1DMP : Dossier Médical Partagé. Il s’agit d’un carnet de santé numérique qui conserve les informations de santé : traitements, résultats d’examens, allergies, compte-rendus de consultations ou d’hospitalisation, etc.

[2Dans certaines situations, lela professionnelle peut utiliser un « bris de glace » pour accéder à Mon Espace Santé sans que la personne concernée ne soit informée, c’est à dire un accès en urgence sans autorisation préalable.

Lire aussi

Contre la grève du 1er et 2 décembre, d’autres voix s’expriment : le SNJMG ; La santé, un droit pour tous

1er décembre 2022
par La santé, un droit pour tous, Syndicat national des jeunes médecins généralistes, SNJMG
Une grève ? Pas celle-ci. Le SNJMG ne s’associe pas à la grève du 1-2 décembre, et ce notamment à cause des revendications libérales comme l’augmentation du prix de la consultation auxquelles …

Grève des 1er et 2 décembre : le SMG n’appelle pas à la grève

22 novembre 2022
par SMG
Le Syndicat de médecine générale ne s’associe pas à l’appel à la grève lancé pour les 1er et 2 décembre par un groupe de médecins libéraux·ales et repris par d’autres syndicats. La défense d’un …

7 Avril 2022, Pour faire de « La Journée Mondiale de la Santé » « Notre Journée Mondiale Citoyenne de la Santé »

4 avril 2022
par SMG
Les politiques publiques menées dans toute l’Europe dans le domaine de la santé et de la protection sociale, au nom d’une dette qui n’est pas la nôtre, ont conduit à une dégradation continue et …

L’assurance maladie va-t-elle devoir verser 11,5 millions d’euros au Health Data Hub en 2022 ?

17 janvier 2022
par SMG
Dans un courrier daté du 12 janvier 2022, l’Assurance maladie s’inquiète du projet d’arrêté qui prévoit le versement de 11,5 millions d’euros du régime général au Health Data Hub, alors que le …