La régulation de l’installation des médecins « en ville » focalise les débats et commentaires sur la Proposition de loi n°966 contre les déserts médicaux [1]. L’article 1 qui apporte une restriction à l’installation des généralistes et spécialistes dans les zones qui ne seront pas considérées comme sous-dotées a été voté par l’Assemblée le 2 avril. Le reste du texte doit être débattu début mai.
Le SMG ne s’inscrit pas dans la logique libérale et n’est pas contre le principe des limitations à l’installation.
Cependant, l’étude de l’application de ces mesures auprès des médecins à l’étranger et auprès des autres professions de santé en France a montré leur inefficacité dans une situation de pénurie de professionnel.les. [2]
Une analyse réduite à la seule question de la démographie médicale est insuffisante.
La désertification sanitaire touche l’ensemble des professionnel les des soins de premier recours et des structures hospitalières.
Les inégalités territoriales d’accès aux soins se cumulent souvent avec les inégalités d’accès aux autres services publics et frappent plus durement les habitant es victimes d’inégalités financières d’accès aux soins.
La réponse à apporter au problème des inégalités territoriales d’accès aux soins doit donc être une réponse systémique, plurifactorielle.
Quelles solutions proposer ?
Le SMG insiste sur la nécessité de réfléchir au contenu et aux modalités de la formation et de la sélection, en particulier :
• Diversifier l’origine sociale et géographique des étudiant es, ce qui d’après les études internationales [3] est un des levier les plus efficaces pour améliorer la répartition des soignant es.
• Former à l’exercice pluriprofessionnel.
• Former à la pratique dans différents territoires et contextes socio-économiques, valoriser ces pratiques et préparer les professionnel les à exercer dans certains contextes.
Il s’agit là d’un changement de paradigme qui nécessite une politique ambitieuse.
L’article 3 de la PPL a le mérite d’aborder cette question sans aller suffisamment loin dans la réforme du système de sélection et de formation.
Ces changements doivent s’intégrer dans une refondation de l’organisation du système de santé ambulatoire et des soins primaires. Il faut promouvoir l’exercice pluriprofessionnel et en coopération, favoriser l’exercice salarié, développer des pratiques de santé communautaire et réintroduire de la démocratie dans les instances étatiques et sanitaires.
Le SMG propose le développement d’un service publique territorial de santé (SPTS).
Le SPTS se définira comme un service de santé de premier recours public, accessible à toutes et tous sur l’ensemble du territoire sans dépassement d’honoraires et avec une prise en charge à 100 % par
l’Assurance maladie.
Pour le SMG, il doit s’agir d’un système au financement socialisé, géré au maximum par les assuré es sociaux ales et leurs représentant es, tant au niveau local que national.
Une remise en question du système de soins primaires dans sa globalité est désormais inévitable.
Agissons pour que cette refonte se fasse dans le sens de sa socialisation, de la solidarité, de l’amélioration des conditions de travail des professionnel les et de la santé des habitant es.
*cf dossier https://syndicat-smg.fr/inegalites-territoriales-d-acces-aux-soins-que-faire
Vos commentaires
# Le 5 mai à 09:27, par Martine Lalande En réponse à : Déserts médicaux : que faire ?
Merci pour ce CP qui remet le problème dans une vision plus globale de ce que devrait être un système de santé public.
Cependant j’aurais écrit que la régulation « ne suffit pas » car je ne vois pas pourquoi les autres professions libérales de santé seraient régulées et pas les médecins.
Et si on demande l’ouverture de centres de santé en grand nombre, ils seront créés d’abord là où il y a des besoins et offriront des postes aux médecins à ces endroits.
Comme avant sur le tiers payant, nous pouvons nous démarquer des autres syndicats en nous prononçant pour une répartition logique des médecins sur le territoire.
Surtout au moment où l’on voit fleurir partout des centres de santé à but lucratif qui parfois ferment brutalement car pas assez rentables et où les pratiques ne sont pas celles que l’on défend, malgré leur publicité et l’attrait que cela représente pour les personnes qui ne savent pas où aller, cela bien aidé par doctolib...
Voila c’était pour participer à cette discussion que nous avons aussi dans le Tour de France pour la santé.
# Le 6 mai à 06:59, par Chloé Loyez En réponse à : Déserts médicaux : que faire ?
Bonjour,
Bien sûr, je pense, qu’on partage tous cet idéal de l’égalité d’accès aux soins, et donc de répartition des professionnels de santé de manière équitable.
Bien sûr qu’il y a beaucoup de confrères.soeurs qui choisissent malheureusement l’opportunité des centres de soins non programmés façon fast food qui pullulent partout (bizarrement pas chez nous chez les ruraux tiens) : le bon sentiment de répondre à un besoin immédiat de la population, confort de travail et de rémunération dans un vrai cheval de troie de la financiarisation du système. (dont la majorité des législateurs n’a que faire) Au passage, je me demande ce qui joue le plus entre la rémunération et l’absence totale de charge mentale et administrative.
Mais on ne peut nier la souffrance véritable de beaucoup de nos jeunes confrères pendant les études. Ni le fait que les internes remboursent largement leur coût par leur travail à l’hôpital.
C’est un peu facile de la part d’un législateur qui laisse dépérir éducation, culture, hôpital et santé publique, et tout ce qui peut faire l’attractivité d’une zone en difficulté.
Dans ce contexte il ne s’agit que d’une loi de plus, au mieux à l’emporte pièce, au pire populiste, à laquelle les moyens ne seront jamais donnés pour qu’elle ait les effets escomptés. Elle risque même d’aggraver les choses. On va faire quoi, leur mettre un flingue sur la tempe ? Ils feront autre chose et c’est tout. C’est juste un coup de plus sur le château de cartes.
Je ne me serais jamais installée là où je suis, si la maternité de secteur avait déjà été fermée (elle l’est, maintenant). Qui va imposer à un.e jeune médecin de s’installer ici ? Plus de mater, des classes qui ferment les unes après les autres et les services publiques qui se réduisent à peau de chagrin. La « vivabilité » ne tient qu’à des personnes qui portent à bout de bras un tissu essentiellement associatif, suspendu aux fils de subventions fauchées d’année en année.
Sur le plan professionnel, c’est une tension maintenant permanente. Des secrétaires qui s’en prennent des pleines tête à longueur de journée par des patients démunis qui deviennent agressifs, un temps considérable à essayer de les faire accéder à un système de soin secondaire à l’agonie si ce n’est inexistant dans certaines filières. Et tous les déterminants de santé qui creusent les inégalités (maintien à domicile, environnement, travail, logement...). On est en permanence sur le fil entre faire le maximum et éviter le burn out. On gère le très urgent, en attendant que l’urgent devienne très urgent.
La seule issue que l’on peut voir, et de laquelle on doit encore se saisir par nous même, c’est de trouver du temps et de l’énergie, en plus d’être sur le front, pour impulser autour de nous une vraie politique opérante de santé publique, basée, c’est ma conviction, sur une démarche en santé communautaire. Ceci envers et contre la très grande majorité des interlocuteurs de terrains qui sont censés nous aider.
J’y suis, c’est un choix. Un choix de vie personnelle d’abord. Et j’y resterai. Mais de là où je me situe, le fait de vouloir, dans ce contexte, imposer à de jeunes médecins leur lieu d’installation dans ces conditions, me paraît une aberration.
Chloé Loyez
MG à la Maison de Santé du Val d’Arroux
Etang sur Arroux (71)