Dans le cadre du procès de Joël Le Scouarnec, la cour criminelle départementale du Morbihan va entendre, la semaine du 22 avril, le témoignage de Thierry Bonvalot, psychiatre. Ce dernier, président de la Commission médicale de l’Établissement de l’hôpital de Quimperlé, avait appris la condamnation de Joël Le Scouarnec pour détention d’images pédopornographiques et trouvé alarmants certains de ses comportements. En juin 2006, il avait alerté par courrier la direction de l’hôpital de Quimperlé en indiquant avoir des doutes sur la capacité de celui-ci à garder toute sa sérénité au contact de jeunes enfants. La direction de l’établissement avait fait suivre à la DDASS (Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales) et à l’Ordre des médecins du Finistère. Toutes ces institutions, jusqu’au plus haut niveau, ont ignoré les différentes alertes à ce sujet pendant toutes ces années [1].
Chacun e de nous a un rôle fondamental à jouer, notamment en refusant ces silences complices et coupables.
Nous savons que pour enrayer le cycle des violences sexuelles, il faut déjà les voir, les nommer et les entendre. Chacun e de nous doit prendre ses responsabilités, en soutenant les personnes victimes, en disant « je te crois » à celles-ci. Il est important d’agir face à cette parole entendue, de ne pas l’invisibiliser ou la silencier, mais bien de la faire exister.
La loi est claire : toute personne inquiète pour la sécurité physique ou psychique d’une personne mineure a obligation de le signaler aux services compétents (police, protection de l’enfance ou justice) [2], [3]. Rappelons les chiffres accablants de cette réalité : 1 enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les 3 minutes, comme le dit le rapport de la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants) [4].
Si cette responsabilité de mettre fin au silence est l’affaire de tous tes, plus on a de pouvoirs, plus on a de responsabilités pour protéger les victimes.
Or, l’affaire Le Scouarnec montre bien la déresponsabilisation coupable de la plupart des institutions :
- Les gouvernements successifs mènent des campagnes de communication autour de la protection de l’enfance ; mais au-delà des discours, les actes posés entravent cette libération de la parole. Par exemple, en décembre 2023, la responsable associative Nathalie Mathieu et le juge Edouard Durand, co-président e s, ont été évincés de la CIVIISE, remplacés par des personnes ayant pris ouvertement position contre l’obligation de signalement par les médecins des maltraitances faites aux enfants [5]. Ces gouvernements successifs mènent dans le même temps une campagne de restriction budgétaire en réduisant toujours plus les moyens humains et financiers dans les services publics (hôpitaux, services sociaux et de protection de l’enfance, tribunaux, commissariats, etc.) et dans le monde associatif.
- La justice qui, en 2005, n’a pas empêché Joël Le Scouarnec d’exercer. Cette même justice qui aujourd’hui à Vannes maltraite les victimes par manque des moyens nécessaires à leur accompagnement.
- Le ministère de la Santé, qui bien qu’informé de la situation dès 2006, n’a rien fait d’autre que de s’en remettre à l’Ordre des médecins.
- L’Ordre des médecins, organisme privé chargé d’une mission de service public. Son rôle est soi-disant de veiller au respect, par les praticien ne.s, des règles de déontologie et de défendre l’indépendance et l’honneur de la profession. L’Ordre des médecins s’est opposé par la voix de sa vice-présidente à la préconisation de la CIIVISE de « clarifier l’obligation de signalement des enfants victimes de violences sexuelles par les médecins » [6].
L’Ordre des médecins permet donc de maintenir en place un pouvoir médical excessif et abusif : il l’a fait en couvrant Joël Le Scouarnec, et bien d’autres médecins auteurs de violences graves, dont des violences sexuelles [7], [8].
Et surtout, son existence n’est-elle pas plutôt là pour permettre à toutes les institutions précédemment citées de se défausser ?
Nous appelons donc :
- À donner dès à présent des moyens financiers et humains : pour l’accompagnement des victimes de violences sexuelles, à Vannes, avec la mise en place d’une véritable cellule d’écoute psychologique financée par l’État, et également dans toutes les juridictions du pays ; pour la formation de tous tes les professionnel les au contact de mineur es au repérage des signes d’exposition à la violence et au recueil de la parole ; avec un investissement annuel de 2,6 milliards d’euros pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles
- À mettre en œuvre dès à présent les 82 propositions du rapport de la CIVIISE de 20234.
- À retirer tout pouvoir disciplinaire à l’Ordre des médecins car sa juridiction d’exception est bien plus nocive qu’utile. Et à augmenter les moyens de la justice de droit commun pour traiter ces affaires aux conséquences individuelles et collectives colossales8.
- À inclure les violences subies par les patient es (adultes et enfants) dans le grand plan de luttes contre les Violences Sexistes et Sexuelles en Santé lancé par le ministère de la Santé en janvier 2025, dont elles sont actuellement exclues, notamment les violences obstétricales et gynécologiques en mettant en place les solutions proposées par plusieurs associations de patient es [9].
- À faire le procès des institutions, qui par leur inaction et leur silence, sont complices et coupables de la violence.
Levons-nous, et parlons encore et encore, jusqu’à ce que nous soyons entendu
Nous appelons à un rassemblement le 22 avril 2025 à partir de 12 heures, devant le Tribunal Judiciaire de Vannes et devant le Conseil national de l’Ordre des médecins à Paris.
Premières organisations signataires :
Mouvement d’Insoumission aux Ordres Professionnels
Pour une Médecine Unie Engagée et Féministe
Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes
Syndicat de la médecine Générale
G58
Stop Violences Obstétricales et Gynécologiques
Mouv’enfants Planning familial 56
UL CGT de Vannes
Attac pays de vannes
Les écologistes pays de vannes
Union syndicale Solidaires 56 CGT ComEgaMix Vannes
fédération SUDPTT
association Mémoire traumatique et victimologie
association Balance ta bandelette
collectif Médecins Stop Violences
#NousToutes
Union Syndicale Solidaires