Vous trouverez ci-dessous, le compte rendu de nos travaux sur la gouvernance et le financement de la Sécurité sociale.
Ceci se veut un document de formation syndicale, professionnelle et citoyenne.
En effet, au cours des dernières années lors de nos travaux sur la Sécurité sociale, nous nous sommes rendu.es compte qu’il était primordial de parler le même vocabulaire et d’avoir des connaissances partagées sur le système de soins et la Sécurité sociale en particulier. Surtout si nous voulions nous atteler à des propositions sur la gouvernance et le financement de cette institution.
Le livre de Nicolas Da Silva La bataille de la Sécu nous apparaissait comme une base à rendre commune. Nous avons alors organisé un arpentage [1] de cet ouvrage au cours des rencontres délocalisées de septembre 2024. Nous vous en livrons le résultat en première partie du document.
Attention, ceci n’est pas un résumé mais bien le fruit d’un travail collectif (partiel et subjectif), mais nous espérons que cela enrichira vos savoirs et vous donnera envie de lire le livre in extenso.
Dans la seconde partie, vous trouverez ce que nous avons retiré de ces lectures et discussions pour étayer notre positionnement syndical sur la gouvernance et le financement de la Sécurité sociale. Certaines mesures font l’objet de consensus, d’autres sont encore en discussion. Nous espérons que vous vous en saisirez et nous donnerez vos avis.
Enfin, nous ajoutons une sorte de lexique en dernière partie. Pour mieux comprendre, il a fallu que nous fassions quelques recherches. Nous vous livrons une partie de ces résultats car le partage nourrit !
1e partie : texte subjectif et partiel issu de l’atelier d’arpentage de La bataille de la Sécu par Nicolas Da Silva, La fabrique éditions
Introduction
Définition des 2 visions du système de santé s’affrontant tout au long de l’histoire : l’État social et la Sociale.
- l’État social : une protection santé gouvernée par l’État qui devient social par nécessité de garantir l’ordre établi. L’État dirige le financement et la gestion des politiques de santé. La protection est basée sur une politique de ciblage du type de population (les plus malades, les plus pauvres) et du type de soin remboursé, laissant le reste aux complémentaires santé. Il garde comme principe de maîtriser la production publique de soin en contrôlant le travail des professionnel.les et en maintenant un espace privilégié au capital au prix d’une production coûteuse et inégalitaire.
- La Sociale : une protection sociale non étatique et en dehors de toute logique capitaliste, autogérée par les intéressé.es et financée par des cotisations avec une volonté d’universalisme (remboursement des soins pour tou.te.s : chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ; sans limite d’accès au soin).
Il peut paraître contre-intuitif de critiquer l’État social sans pour autant prendre le parti du capital. Il faut contester l’équivalence entre le public et l’étatique : ce qui est étatique est dirigé de manière centralisée et unilatérale par l’État, au nom de ses intérêts, qui ne sont pas forcément ceux du plus grand nombre (la Sécurité sociale et l’hôpital aujourd’hui). Ce qui est public est ce qui est financé en commun par un impôt ou une cotisation obligatoire sans être nécessairement dirigé par l’État (la Sécurité sociale et l’hôpital en 1946).
Les obstacles à l’amélioration du système de soin sont avant tout politiques plutôt que financiers. Il faut reprendre le pouvoir sur l’organisation et le financement du système de soins.
I - Du féodalisme au capitalisme : le renouvellement des institutions du soin
Féodalisme : L’alimentation était la première médication et le premier poste de dépenses sous l’ancien régime. Il y avait peu de médecins mais il existait d’autres intervenant
L’hôpital naît de la charité chrétienne et est sous tutelle de l’église. Les hôpitaux sont financés par des dons et des rentes immobilières.
Petit à petit, le capital s’accapare progressivement les communs (les forêts, les campagnes, les marécages, etc.) dépossédant les travailleuses et travailleurs d’une sécurité économique et déstabilise des modes traditionnels de socialisation.
La révolution française : La bourgeoisie, qui détient le capital, a orchestré la révolte pour abolir les privilèges des nobles et obtenir le pouvoir politique. Pour réussir, ils font force avec les classes laborieuses, mais ne souhaitent pas la démocratie pour autant.
Après la révolution, les classes populaires sont mises à l’écart de la conception du système de soin. La prévoyance individuelle et la charité pour certains pauvres (celleux qui ne peuvent travailler en raison de leurs infirmités ou de leur âge) font office de politique de santé.
II - La mutualité : de la subversion à l’intégration au capitalisme
Quelques repères : 1892 mutualité maternelle, 1895 création de la CGT, 1898 loi sur accident du travail, 1910 retraite à 65 ans, 1912 retraite à 60 ans.
XIXe siècle :
Avec l’ère de l’industrialisation, il existe une dégradation de l’état de santé des ouvriers et ouvrières ; les conditions de travail impactent la santé. L’État a du mal à reconnaître ce lien, ce n’est pas le discours majoritaire de l’époque, alors que de nombreux ouvrages médicaux s’emparent du sujet.
La mutualité est un espace ambivalent : c’est à la fois un lieu de lutte et de pacification sociale. Initialement, les sociétés de secours mutuel sont auto-organisées et ont un potentiel subversif du capital et de l’État. Dans un premier temps, cela permet à l’État de se dédouaner et de ne pas financer la demande de services sociaux. Puis l’État institutionnalise la mutualité en lui donnant un statut tout en s’assurant d’un plus grand contrôle. Ainsi, il empêche que la mutualité soit un lieu de lutte des classes. La mutualité rentre petit à petit dans l’ordre établi et devient une institution de notables caractéristiques de la IIIe République.
Avant la première guerre mondiale :
Il existe un conflit sur la cotisation obligatoire. Notamment les mutuelles s’y opposent, pour garder le contrôle des caisses et imposer l’affiliation aux mutuelles. L’État préfère le principe de liberté d’affiliation : soit aux mutuelles, soit au régime général.
Le modèle promu par les mutuelles est un paternalisme social. Dès lors que la maladie est causée par l’intempérance, l’imprévoyance ou l’inconséquence des cotisant.es, alors l’accès aux soins est refusé. Elles instaurent un ticket modérateur pour limiter la consommation de soin. Des consignes sont données aux médecins pour limiter les ordonnances, inciter le retour au travail au nom de la lutte contre les abus.
Elles organisent la production de soins, sort l’hôpital de la charité et rend les soins aux malades payants avec des objectifs concurrentiels.
Les médecins obtiennent la suppression des officiers de santé (pour garder le monopole de l’activité médicale) et le paiement à l’acte.
III - La guerre totale comme fondement de l’État social
La guerre nécessite d’avoir des soldats en nombre et en bonne santé. Une politique nataliste et sanitaire se met donc en place. On assiste à la naissance de l’État social. Auparavant, l’État légiférait sur l’organisation et le financement des soins, mais n’y participait que très peu financièrement.
Après la guerre, l’État doit aux citoyens la contrepartie du sang : soutenir les veuves et les orphelins. À ce moment-là, les rentiers ont perdu la certitude de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles et ils deviennent prêts à contribuer à un système collectif. Ils ne veulent pas rétropédaler sur leurs acquis sociaux.
Entre 2 guerres :
1928-1930 : Naissance de lois sur l’assurance sociale dont le financement est basé sur les cotisations des travailleurs et travailleuses. Il existe à la fois des caisses nationales gérées par le département, des caisses mutualistes, des caisses confessionnelles, et des caisses gérées par la CGT. Mais les soins restent mal remboursés (environ 40 %).
Il existe une opposition constante du corps médical à la socialisation. Le libéralisme médical est acté en 1927 avec la charte de la médecine libérale (droits à des honoraires pour tout e malade soigné e, choix du médecin par le ou la patient.e, paiement direct par l’assuré.e avec reste à charge très important, libertés thérapeutique et d’installation).
La Sociale naît de l’instinct de survie, moteur qui pousse à s’emparer du pouvoir et à créer ses propre institutions.
IV - La résistance à l’État et au capital comme fondement de la Sociale
La commune de 1870 est une des premières manifestations de la Sociale. Mouvement extrêmement réprimé par la IIIe République.
Lors de la seconde guerre mondiale, la résistance contre l’État permet la réapparition de la Sociale.
Les ordonnances de 1945 ne se font pas dans l’unanimité mais sur la base d’un conflit.
De l’État social à la Sociale, il existe une bascule des rapports de forces, avec l’évolution d’un état d’esprit d’assistance vers une auto-gouvernance des salarié es. Dans les conseils d’administration 75 % sont des représentant es des salarié.es, 25 % des représentant .es du patronat.
En 1946, l’effort est considérable pour changer les modalités. En 6 mois, la CGT et le parti communiste français (PCF) créent de nombreuses caisses primaires et caisses d’allocations familiales à travers tout le pays.
La création de FO (scission de la CGT) en 46-47, diminue le pouvoir des syndicats au sein des caisses.
Mais dès sa création, le régime général est contesté, les arguments des opposants sont, depuis 1949, le coût de la gestion, la fraude et la mauvaise gestion avec pour solution une réforme des institutions.
V - La réappropriation du régime général par l’État social
Il faut rappeler que les médecins libéraux refusent de signer une convention jusqu’en 1970.
1940 : dissolution de la confédération des médecins et création de l’Ordre des médecins, Ordre au service de l’État.
1967 : division en 3 caisses du régime général (caisse assurance maladie, caisse allocation familiale et caisse assurance vieillesse) ce qui empêchera la solidarité entre les caisses en cas de déficit.
1967 : début du paritarisme : 50 % des sièges au patronat, 50 % des sièges au syndicalisme (division des syndicats donc augmentation du pouvoir du patronat).
L’État met en place une bureaucratie (création ARS en 2004), une concentration des pouvoirs et une fiscalisation (création de la CSG en 1990 qui est une taxe et de la CADES en 1996) qui conduit à une diminution relative de l’apport des cotisations au budget de la Sécurité sociale au profit des taxations (en 2020 la CSG finance à hauteur de 32,7 % l’assurance maladie versus 32,4 % pour les cotisations). L’État légitime ainsi sa prise de contrôle sur toutes les institutions de protection sociale.
Le plan Juppé de 1995 introduit la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) qui crée un budget de la Sécurité sociale et supprime, de fait, son indépendance. On passe d’une logique d’adaptation à une contrainte budgétaire. Chaque année, le parlement vote un objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) qui, pour être respecté, est accompagné le plus souvent de mesures dites d’économie - en fait des mesures de réduction des droits.
La défense de la Sociale est affaiblie par l’absence de représentant.es des intéressé.es.
VI - Quand l’État social impose sa conception de la Sécurité sociale
Il y a une volonté de maîtriser les dépenses de la part de l’État :
- création d’un secteur II qui permet de « limiter » les dépenses ; c’est un cadeau aux médecins sans augmenter les dépenses ;
- diminution du budget de l’hôpital pour compenser les dépenses non contrôlables du libéral ;
- faire payer les patient es (parts forfaitaires restantes) au nom de la défense de la Sécurité sociale ;
- mise en place du numerus clausus, au départ pour privilégier certaines classes sociales. Mais l’État y voit une possibilité de limiter les dépenses de soins.
C’est le début de l’apparition de déserts médicaux en campagne et en périphérie des grandes villes en particulier.
Dans les années 80 avec l’arrivée du VIH-SIDA, les usager.es de la médecine commencent à émettre des critiques au sujet du paternalisme des médecins.
La diffusion des connaissances médicales permet de moins hiérarchiser le rapport médecin-patient. L’Etat s’est approprié ces critiques pour mettre en place une nouvelle convention avec des normes et des incitations financières pour obéir à ses normes.
Le système de soins devient un modèle économique, qui entraîne une standardisation et une fragmentation du soin. L’Etat met en place la tarification à l’acte.
On perd tout ce qui est de l’ordre relationnel dans ce modèle économique ; il existe une transformation du travail des soignant es avec une perte de sens du métier. On se met à ranger des conserves et les soignant es deviennent des pions interchangeables. Il n’existe plus de valeur à la qualité relationnelle du soin.
VII - Le développement du capital dans le système de soins
L’État se sert de cette standardisation pour servir des intérêts privés en forçant la Sécu à emprunter sur les marchés financiers.
L’expression « le trou de la Sécu » est une construction politique et médiatique destinée à induire le contrôle des dépenses et permet à l’État de mener une politique d’austérité.
Les déficits de la Sécurité sociale ne sont pas liés à une supposée mauvaise gestion, mais aux crises du capitalisme et aux réponses politiques que l’État y apporte.
La destruction de la Sociale se poursuit avec la destruction du salariat : l’État privilégie des stages, des primes ainsi que la mise en place d’exonérations de cotisations patronales (exemple du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi) Ce déficit de recettes devait être compensé par l’État, mais il ne le fait plus depuis 2018.
La financiarisation de la Sécurité sociale se met au profit du capital par 3 canaux : la CADES, l’ACOSS et la dette hospitalière.
Création de la CADES en 1996 qui récupère les déficits de la Sécurité sociale et les finance, en partie, en recourant au marché financier. C’est un gouffre financier, par exemple en 2017 elle a payé 2,2 milliards d’euros d’intérêts et de commissions. L’ACOSS gère la trésorerie des différentes caisses au jour le jour. Depuis 2006, pour assurer les avances nécessaires à l’équilibre des comptes, elle peut se tourner vers les marchés financiers. Il faut rappeler qu’il existe une bonne santé financière de la Sécurité sociale et que c’est un placement intéressant sur les marchés !
Le budget alloué à l’hôpital étant trop faible il est obligé d’emprunter aux banques. Pour rembourser les prêteurs, les hôpitaux compriment au maximum leurs dépenses et multiplient les plans de restructuration pilotés par les ARS.
Le capitalisme est à l’origine de l’augmentation de l’inégalité d’accès aux soins en se déployant dans le système de santé (industrie pharmaceutique, cliniques, EHPAD, laboratoires d’analyses médicales, complémentaires santé...).
La culture du service public et paradoxalement la médecine libérale en cherchant à garder le contrôle sur les façons de travailler et le revenu des médecins (convention, dépassement d’honoraire) sont les principaux obstacles au capitalisme. Ces résistances sont cependant inefficaces face au mouvement industrialisation-concentration-financiarisation.
VIII - La pandémie de Covid-19 comme accélérateur du capitalisme sanitaire
Il existe de multiples organismes pour gérer la santé : HAS, ARS, HESP, Santé Publique France, mais dès l’apparition de la Covid, l’État promulgue une loi pour se passer de ces administrations.
L’État est un allié du capitalisme y compris dans la crise de la Covid, en bloquant des mécanismes démocratiques.
La pandémie peut être assimilée à une guerre totale. Le pouvoir défend son pouvoir de domination grâce à la protection sociale pour maintenir l’ordre social et favoriser le capital.
Ces décisions se font au détriment des plus démuni.es avec un accroissement des inégalités d’accès aux soins.
L’État a reporté la dette de la Covid sur la Sécurité sociale pour lui permettre de maintenir des politiques mortifères.
La Sécurité sociale est plus efficace pour mener des politiques de contrôle, les assurances maladie complémentaires pendant cette crise ont été invisibilisées car elles sont un obstacle à l’accès aux soins.
Le maintien de l’ordre social est un outil du renforcement du capitalisme.
L’État social apparaît comme le destructeur de la Sociale et du système de santé. Est-il possible de re-démocratiser la Sécurité sociale ?
Conclusion
Les révolutions et la résistance à l’État donnent naissance à la Sociale tandis que la guerre totale alimente l’État social.
Quand les intéressé.es prennent le contrôle, iels détruisent le capitalisme.
Le débat fondamental est la gouvernance, reprenons le combat.
2e partie : ce qu’on en a retiré pour notre positionnement syndical
Ce qui fait consensus sur la gouvernance de la Sécurité sociale
1. Si on habite en France, on a le droit de bénéficier de la Sécurité sociale et de faire partie de sa gouvernance.
2. Pas d’État dans la gouvernance de la Sécurité sociale.
3. Pyramides inversées avec les unités locales qui montent à l’échelon national.
4. Législation nationale et effecteurs locaux.
5. Démocratie directe à l’échelon local pour désigner la représentation des caisses locales (= fin du paritarisme de fait).
6. Organisme national représentant des caisses locales donne une feuille de route globale.
7. Echelle départementale/locale en relation avec les conseils locaux de santé gérant l’organisation des soins (homogénéiser, orientations, pouvoir financier).
8. Les syndicats n’ont pas de légitimité particulière à décider au sein de la Sécurité sociale.
9. Collège(s) de professionnel les de santé minoritaire(s) dans le rapport de force.
10. Mettre les ARS (= institutions d’organisation des soins) sous tutelle de la sécu (échelon régional).
Ce qui reste en suspens sur la gouvernance
1. Fusion des différentes branches et des différentes caisses (CPAM, CAF...) pour redonner du pouvoir à l’échelle locale.
2. Tirage au sort, collège unique représentatif de la population (problème d’un petit effectif limitant la représentativité) versus élus dans les caisses nationales et tirage au sort dans les caisses locales.
3. Zone géographique à considérer pour les caisses locales en lien avec les conseils locaux de santé : département ?
4. Formation expérientielle et initiale.
5. Organismes indépendants pour compter les morts et les personnes en situation de handicap à cause du travail capitaliste, les violences systémiques. But = continuer de garder en tête que la Sociale lutte pour éviter de se faire détruire par le capitalisme.
6. Argumentaire du SMG pour bloquer les gêneurs (médecins, assurances complémentaires, paternalisme social et médical).
7. Faire des collèges de vulnérabilités pour les personnes concernées.
8. Organisation, contrepouvoirs des ANSM/HAS/Santé Publique France : institutions autonomes ?
Ce qui fait consensus sur le financement de la Sécurité sociale
1. Cotisations OBLIGATOIRES à la Sécurité sociale sur une assiette élargie à l’ensemble des revenus : salaires, immobilier/foncier, actionnariat, intérêts de la dette, héritages, retraites. Vers l’ACOSS, sans exonération.
2. Récupérer les indus (exonérations (CICE...) et fraude aux cotisations).
3. Supprimer les plafonds de cotisation.
4. Transformer les taxes et impositions à visée sociale (CRDS, CSG..) en cotisation.
5. Disparition des assurances maladie complémentaires.
6. Supprimer la CADES par l’extinction de la dette.
7. Sortir le financement du système de soin des marchés financiers = interdire la financiarisation.
8. Elargir la Sécurité sociale à d’autres branches.
9. Etanchéité entre finances de la Sécurité sociale et de l’Etat
Ce qui reste en suspens sur le financement
1. Payer ne veut pas forcément dire avoir le droit à la parole.
2. Comment et qui fixe le taux des cotisations ? Consensus = en dehors de l’Etat.
3. Qui fixe le prix des médicaments ?
4. Comment récupérer les indus ?
5. Déterminer un budget de la Sécurité sociale en fonction des besoins et en adaptant les cotisations.
6. Quel élargissement de la Sécurité sociale ? Logement, alimentation, culture...
Techniques pour convaincre/gagner sur nos propositions
1. Se ré-appropier les mots et expressions : bannir « trou de la Sécu » et « crédit à la consommation.
2. Militer pour du salariat et pour la socialisation des revenus (non à l’ubérisation).
3. Notre système de Sécurité sociale est un très bon produit sur les marchés financiers (= est très convoité).
3e partie : annexe d’autoformation
Qui sont les officiers de santé ?
Le terme officier de santé désignait en France, à partir du 10 mars 1803, une personne qui exerçait la profession médicale sans le titre de docteur en médecine. Les officiers de santé étaient évalués par des jurys départementaux après 3 ans d’études ou 6 ans d’expérience, ils étaient moins chers que les médecins et pratiquaient plutôt en milieu rural. Ils étaient là où les médecins ne voulaient pas aller.
(argument pour le SMG pour limiter le pouvoir des médecins au sein de la Sécurité sociale car ceux-ci ont été capables de faire disparaître les officiers de santé en une quinzaine d’année). Ils les ont fait disparaître car les médecins étaient aussi à l’assemblée (12 % des députés étaient médecins en 1892), ils voulaient engranger les bénéfices de la médicalisation de la société et ne souhaitaient plus de concurrence.
Plafond de cotisation : kesako ?
Lorsqu’il y a un plafond de cotisation, je cotise au taux défini jusqu’à ce plafond. Au-delà, je ne cotise pas et je n’accumule pas de droits au-delà du plafond. Les personnes qui ont des moyens financiers suffisants peuvent vouloir cotiser plus pour obtenir des droits supplémentaires. Cela devient donc intéressant pour le secteur privé de créer des services « complémentaires » car il y a une clientèle potentielle. C’est ce qui existe en France avec l’AGIRC depuis 1947 puis AGIRC-ARCO depuis 1967.
Lorsqu’il n’y a pas de plafond de cotisation, je cotise sur la totalité de mon revenu. J’accumule éventuellement des droits sur la totalité de mon revenu, mais ce n’est pas obligé. On peut très bien imaginer, sans que ce soit un plafond, plusieurs taux suivant les revenus avec même éventuellement plusieurs types de droits. Dans ce cas, il devient beaucoup plus difficile pour les organismes privés, sauf pour ceux qui ont de très gros revenus, de se dégager une clientèle potentielle et donc de se faire une place dans le remboursement des soins.
De plus, à enveloppe budgétaire constante, le plafond joue sur les taux de cotisation et donc sur la répartition entre faibles revenus et forts revenus.
Exemple numérique : Je considère que le budget total de la Sécurité sociale est de 1000 euros. La population est constituée de 2 personnes, A et B. Revenus de A = 1500 €. Revenus de B = 6000 €.
Cas 1 : le plafond est fixé à 1500 €. Alors plafond global = 1500 + 1500 = 3000 €. Le taux de cotisation sera de 1000 (budget imaginé ci-dessus de la Sécu)/3000 (assiette = ensemble des revenus sous le plafond) = 1/3 = 33.3%. A cotise donc 500 € et B cotise 500 €. Pour A, il s’agit de 33.3 % de ces revenus. Pour B, il s’agit de 8.3 % de ses revenus.
Cas 2 : je passe le plafond à 3000 €. Alors le plafond global = 1500 + 3000 = 4500 €. Le taux de cotisation sera de 1000/4500 = 2/9 = 22.2 %. A cotise donc 1500 * 2/9 = 333.33 € ; soit 22.2 % de ses revenus. B cotise 666.66 € ; soit 11.1 % de ses revenus. Monter le plafond fait un peu moins payer les pauvres et un peu plus les riches.
Cas 3 : je supprime le plafond. Alors le plafond global est égal à la somme des revenus, soit 7500 €. Le taux de cotisation sera de 1000/7500 = 2/15 = 13.3 %. A cotise donc 1500 * 2/15 = 200 € ; soit 13.3 % de ses revenus. B cotise 6000 * 2/15 = 800 € ; soit 13.3 % également de ses revenus.
En supprimant le plafond, tout le monde finance à un taux constant sur ses revenus. En introduisant un plafond, les riches contribuent moins, les pauvres contribuent plus (en pourcentage). Plus le plafond est bas, plus la part de financement contribuée par les pauvres est élevée.
Rapport Beweridge -> état social ?
On distingue deux grandes conceptions des systèmes de couverture sociale.
• Le système bismarckien (Allemagne) est fondé sur le travail. Il est obligatoire pour les salarié es aux revenus inférieurs à une limite. Les cotisations sont proportionnelles aux salaires, les prestations aux cotisations, c’est un système assurantiel. Il est cogéré par les employeur euses et les salarié es. La Sécurité sociale est au moins en grande partie inspirée du système bismarkien.
• Le système beveridgien (Royaume-Uni) est un mécanisme de solidarité indépendant de l’activité professionnelle. Il est universel, les prestations sont plus liées aux besoins qu’aux revenus. Il est financé par l’impôt et géré par l’État. La Sécurité sociale est en train de devenir plus ou moins un système de Beveridge car elle est petit à petit de plus en plus financée par l’impôt (par exemple CSG) et qu’elle n’a plus une gestion indépendante depuis les lois Juppé de 1996 avec l’intégration de la Sécu dans le budget de l’État, qui s’est traduit par l’introduction du PLFSS, voté à l’Assemblée.
La CADES : qui l’a créée, quelle est sa place, logique de la dette ?
https://www.cades.fr/fr/a-propos/mission-et-fonctionnement
- CADES = Caisse d’amortissement de la dette sociale, créée en 1996 par « plan Juppé ».
- Dépend de cinq ministères de tutelle (Économie, Comptes publics, et les trois ministères chargés des trois branches de la Sécurité sociale, Santé, Travail, Vieillesse).
- S’est vue transférer une dette sociale (137 milliards de francs) avec pour objectif de la rembourser. Initialement durée de vie de la CADES prévue = 13 ans. Prolongée à plusieurs reprises car a repris plusieurs dettes. La CADES n’amortit que les déficits qui lui sont transférés en vertu de la loi. Les déficits cumulés non repris par la CADES sont financés à court terme par l’Acoss, dans la limite d’un plafond fixé chaque année par la loi de financement de Sécurité sociale (LFSS).
- Ressources : CRDS (Contribution pour le remboursement de la dette sociale) et CSG (Contribution sociale généralisée) en partie seulement + emprunts sur les marchés financiers. L’État français reste responsable en dernier recours des engagements de la CADES.
Techniquement, la dette reprise par la CADES est initialement portée par l’ACOSS. L’ACOSS gère la trésorerie de la Sécurité sociale et peut dans le cadre de cette gestion de trésorerie avoir recours à des emprunts à moins d’un an.
Comment la CADES emprunte-t-elle sur les marchés financiers ?
La CADES emprunte en émettant des titres sur les marchés. Le fonctionnement est le suivant : je vends un bout de papier qui est un emprunt de x euros, avec un taux d’intérêt de y %, et une échéance de k années. S’il y a un acheteur, je touche donc x euros tout de suite. Je paye à l’acheteur y % des x euros chaque année. Au bout de k ans, je rembourse le montant initial de x euros, ce qui éteint l’opération. C’est le fonctionnement de base des bons du trésor, obligations, etc. C’est différent du fonctionnement financier d’une action.
Et l’Acoss, alors ?
L’Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) est la caisse nationale des Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales). Elle gère la trésorerie de chacune des 4 branches de la Sécurité sociale pour leur permettre de fonctionner au quotidien : Maladie, Famille, Vieillesse (comprend branches retraite et autonomie), Accidents du travail – maladies professionnelles.
Outre l’encaissement et le recouvrement des cotisations et contributions pour le compte du régime général et pour celui de tiers, le réseau des Urssaf participe à la mise en œuvre des politiques en faveur de l’emploi par la gestion des dispositifs d’exonérations ou d’allégements de cotisations.
L’Acoss est gouvernée par un conseil d’administration composé de représentant es de partenaires sociaux (assemblée paritaire : part égale de représentant es des employeur euses et des salarié es).
Pour faire face au différentiel entre les recettes tirées des cotisations et les dépenses de la Sécurité sociale, l’Acoss élabore des solutions de financement de trésorerie diversifiées : émission de bons de trésorerie, emprunts aux taux les plus faibles.
L’Acoss intervient également pour le compte de plus de 600 partenaires (Fonds de Solidarité Vieillesse, Caisse d’amortissement de la dette sociale…). Chaque année, de nouveaux partenaires lui confient de nouvelles missions (recouvrement, contrôle, gestion de trésorerie).
L’organisme est le recouvreur social de référence et le premier réseau de recouvrement de créances publiques en France.
L’Urssaf Caisse nationale pilote le réseau de la branche recouvrement de la Sécurité sociale Française. Ce réseau est composé de :
• 21 Urssaf (à la suite de la régionalisation progressive des Urssaf entre 2012 et 2014)
• 4 CGSS (caisse générale de Sécurité sociale) dans les DOM,
• 1 CSS (caisse de Sécurité sociale) à Mayotte,
• 1 CCSS (Caisse commune de Sécurité sociale) en Lozère,
• 8 centres nationaux dédiés aux offres de services : Chèque emploi service universel (Cesu), Pajemploi, Chèque emploi associatif (Cea), Titre emploi service entreprise (Tese), Titre firmes étrangères, ainsi que deux Centres Nationaux des Travailleurs Frontaliers en Suisse (CNTFS).
L’Etat intervient par l’orientation des politiques sociales dont un des principaux leviers est la signature des conventions d’objectifs de gestion (COG). Conclue entre les caisses nationales et l’État, elles formalisent dans un document contractuel, les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en œuvre pour moderniser et améliorer la performance du système de protection sociale français. Elles ont été instaurées en 1996 par les ordonnances Juppé.
Qu’est-ce qu’un organisme de prévoyance ?
Un organisme de prévoyance est une société à but non lucratif qui gère des contrats collectifs d’assurance de personnes, c’est-à-dire établis dans le cadre exclusif de l’entreprise (ou d’accord de branche professionnelle). Ces contrats portent sur les risques de maladie, incapacité de travail (ITT) et invalidité, dépendance ou encore décès.
Les organismes de prévoyance sont juridiquement régis par le Code de la Sécurité sociale (et doivent à ce titre respecter les directives européennes sur l’assurance) à la différence des mutuelles qui sont régies par le Code de la mutualité, et des sociétés d’assurances, qui le sont par le Code des assurances.
Quel rôle et quel fonctionnement ?
Un organisme de prévoyance est créé et géré par les partenaires sociaux c’est-à-dire les syndicats professionnels d’une entreprise, d’une branche ou entre plusieurs branches d’activité.
Un organisme de prévoyance dispose d’un Conseil d’administration paritaire, c’est-à-dire qu’il est constitué à parts égales de représentant es des salarié es et de représentant es des entreprises.
Quelle est la gouvernance du régime local d’Alsace-Moselle ?
https://regime-local.fr/gestion-et-fonctionnement/
Il étend la prise en charge par la Sécurité sociale pour le remboursement des frais de santé à grande échelle puisqu’il concerne 2 millions de bénéficiaires. En contrepartie, la cotisation salariale est majorée. La gouvernance n’est pas paritaire (paritaire signifie qu’il y a autant de représentant.es des employeur euses que des salarié es). Ce sont des élu es des syndicats qui décident des orientations. Contrairement aux autres conseils d’administration départementaux et nationaux, en Alsace-Moselle, 23 personnes sont désignées par les organisations syndicales de salarié es représentatives, ce sont eux les membres délibérants qui ont le pouvoir décisionnel pour un mandat de 4 ans. Il y a 3 représentant es des employeur euses qui sont simplement des membres consultatifs.
Ce régime local est à l’équilibre financier. Ceci s’explique par le fait qu’il puisse adapter le taux de cotisations sociales à ses dépenses et que ses coûts de gestion sont très faibles. En 2022, les cotisations (supplémentaires) ont baissé de 1,5 à 1,3 % alors qu’il est prévu qu’elles puissent aller jusqu’à 2.5 %.
Ce régime démontre que la gestion de l’assurance maladie est meilleure lorsqu’elle est réalisée par les principaux et principales intéressé.es.