Quelles économies ?!

Publié le samedi 15 janvier 2005

Le gouvernement actuel martèle à qui veut l’entendre que le déficit de la Sécurité sociale est dû à ces irresponsables que sont les assurés.

En tout premier lieu, tous ces malades bénéficiaires d’une prise en charge à 100 % à travers l’ALD (affection longue durée). Pour ceux-là un contrôle plus strict des ordonnances bi zone est déjà mise en place : il faudra à chaque fois argumenter la prise en charge du Doliprane® pour les douleurs associées au diabète ou à l’hypertension... D’ailleurs ils devront s’acquitter du forfait de consultation à chaque acte de consultation ou de biologie, avec interdiction aux assurances complémentaires d’en assurer le remboursement : pour une patiente diabétique équilibrée, cela représente au minimum vingt forfaits annuels. À un (si peu !), voire deux, voire cinq euros l’unité quand beaucoup de personnes âgées ont pour tout revenu le minimum vieillesse à 569 euros/mois... Il faut responsabiliser ces malades = vous êtes accusés d’être malades ! N’encourageons surtout pas le suivi régulier et la prévention des complications des maladies de longue durée !

Que penser de ces accidents du travail qui, eux aussi, devront s’acquitter également de ce forfait : on sait bien qu’ils le font exprès ! Surtout ne cherchons pas à limiter les causes de ces accidents, en enlevant tout moyen de prévention à la médecine du travail. Et ne chargeons pas trop ces employeurs qui « cassent » régulièrement à des mêmes postes des travailleurs : le financement de la Caisse des Accidents du Travail et Maladies Professionnelles a d’ailleurs été plafonné... Ceux des Etats-Unis, bienfaits du libéralisme à outrance, ont au moins compris par des primes indexées sur le coût réel des accidents du travail, qu’il était plus rentable de les prévenir.

Ces assurés qui prêtent leur carte de Sécurité sociale pour faire profiter de la C.M.U. (couverture maladie universelle) certains autres, seront mis à défaut par l’existence d’une photographie sur cette carte : les médecins seront sommés de faire le contrôle d’identité de la personne soignée (annexe de la Loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance). Surtout ignorons les changements survenus dans la délivrance de la C.M.U. qui ouvre les droits de la famille à partir du mois qui suit la délivrance de cette prise en charge : lorsque les personnes nous ramènent enfin l’attestation de leur prise en charge si difficilement acquise (en moyenne en Alsace, deux mois), nous devons leur signaler souvent qu’il leur faut attendre le mois suivant. En attendant, comment les soigner ?

Rendons les gens « responsables », ne simplifions pas l’accès aux soins : j’ai le souvenir dans les années 90 d’une dame de cinquante ans, qui relevait du régime général tout en n’ayant que 2600 francs par mois pour vivre sans avoir droit à l’aide médicale gratuite. À partir d’ulcères variqueux non soignés, faute de moyens, elle a présenté un état de choc septique qui a exigé une prise en charge dans un service de réanimation durant un mois à plus de 10 000 francs la journée, puis un mois d’hospitalisation en service de chirurgie à au moins 2500 francs la journée à l’époque... à la suite de quoi la caisse dont elle dépendait lui a accordé une prise en charge ALD hors liste qu’elle avait refusé de donner jusque-là.
Le retard donné à un recours aux soins peut avoir des conséquences économiques (s’il ne faut parler que de celles-là) gravissimes.

Les autres accusés sont les médecins : évidemment, ceux-là qui prescrivent trop d’arrêt de travail : surtout restons quantitatif et non qualitatif. N’analysons pas trop les causes de ces arrêts, les profils de clientèle, des catégories socioprofessionnelles des assurés concernés. Tant qu’il n’y aura pas de définition de la pénibilité de certains emplois, nous nous verrons obligés de surseoir à cet état de fait par des arrêts de travail, puis, plus tard, au fil des handicaps cumulés, une inaptitude, un chômage, une invalidité, avant qu’ils puissent toucher une retraite minimaliste... Sans que jamais en soit évalué le coût pour la collectivité ! Les patrons pourront eux-mêmes faire annuler ces arrêts maladie par des médecins qu’ils financeront directement, et dans ce cas les Indemnités Journalières (IJ) indûment versées, devront être remboursées par les assurés !

La tarification à l’activité imposée dans les établissements publics et privés ne tient évidemment pas compte de la sélection « naturelle » : au privé l’appendicite du jeune en bonne santé, au public la personne âgée malade qui fait le même appendicite, mais plus compliquée sur un terrain fragilisé avec la même tarification... (d’ailleurs bientôt réapparaîtrons les officiers de santé sous qualifiés pour ce public-là).
Usons et mésusons des protocoles : pour l’ablation d’une petite verrue de la paupière supérieure, la Sécurité sociale a déboursé 593 euros. L’ophtalmologue ne pratiquait pas cela dans son cabinet : les impératifs en temps et en personnel d’une bonne stérilisation... Il y a donc fallu aller dans une salle d’opération d’une clinique, voir en bilan préopératoire un anesthésiste, et tutti quanti... Mais ce sont des dépenses justifiées, qualité de soins oblige !

Et surtout, ne touchons pas au paiement à l’acte, même pour des actes d’urgence, qui en tant que tels, devraient relever d’un paiement au forfait : comment peut-on espérer qu’un médecin de garde payé à l’acte encourage des assurés à n’utiliser l’urgence qu’à bon escient ? Est-ce qu’un patient réellement dans l’urgence doit d’abord penser comment il va s’acquitter de ses soins ?
Non, au contraire : dès janvier 2005, tous les médecins auront accès aux secteurs 2 (de dépassement des tarifs conventionnels), du moment que l’assuré ne passera pas par le médecin « traitant ». Nos confrères libéraux pourront apprécier les bénéfices d’une logique marchande et oublier une certaine éthique du soin. En contrepartie le Dossier Médical Partagé, devenu Personnel (DMP), et le codage des actes leur seront exigés.

Ce bel outil, le DMP, qui doit nous faire faire 3,5 milliards d’économies grâce à son utilisation, quand beaucoup chiffrent son coût à deux ou trois fois les économies espérées, n’a pas pour autres objectifs que d’aggraver irrémédiablement le déficit de la Sécurité sociale et de mettre en place les moyens d’un contrôle : de ces malades vraiment malades et souvent pauvres, et de ces médecins, tous également irresponsables. Pour ouvrir le marché des soins vers ceux qui peuvent payer !
Au même moment que le Medef a pris le contrôle de la Sécurité sociale à travers l’UNCAM (Union Nationale des Caisses Maladies) : 50 % des voix avec nécessité d’une majorité des 2/3 pour contrer une proposition...

Pour qui les profits ?

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