Le candidat à la présidentielle, Nicolas Sarkozy, avait annoncé qu’il mettrait en place de nouvelles franchises sur les soins. Devenu président, il tient ses promesses.
Une première série de mesures se met actuellement en place (1)
Le forfait d’un euro par acte médical (consultation, radiologie, biologie) était jusqu’ici plafonné à un euro par jour ; il pourra atteindre quatre euros par jour en cas de consultations multiples. Les patients qui ne respecteront pas le parcours de soins ne seront pris en charge qu’à 50 % (70 % dans le parcours de soins). Ces mesures pèsent directement sur les assurés : 350 millions d’euros sur les 1,225 milliards d’euros du plan d’économies escomptées en année pleine. D’autres mesures vont peser indirectement : pressions sur les professionnels pour limiter les arrêts de travail de courte durée et les transports sanitaires.
Le président de la République compte faire adopter, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008, la mise en place de franchises s’ajoutant aux précédentes.
Franchises de 0,50 c d’euros par boite de médicament et par acte paramédical (kinés, infirmiers, orthophonistes…), deux euros par transport sanitaire. Les bénéficiaires de la CMU et de l’AME, les femmes enceintes et les enfants de moins de 16 ans seront exonérés aussi pour ces nouvelles franchises. Le plafond annuel global de l’ensemble des franchises serait (en tous cas dans un premier temps) de cent euros par personne ; ce qui représente une addition de 1,5 milliards d’euros pour les assurés (2).
Les franchises issues d’une logique assurantielle, aux antipodes d’une logique de santé, n’agiront pas sur le niveau des dépenses de santé, mais sur celui des remboursements (cf. article de Pierre Volovitch p 77). Elles vont s’ajouter au « reste à charge » imputable aux seuls tickets modérateurs et forfaits prévus par la Sécurité sociale qui est déjà de 240 euros par personne et par an et de 400 euros si on prend en compte les dépassements tarifaires (3) Ce « reste à charge » est soit payé directement par les gens qui n’ont pas de complémentaire (ou une complémentaire leur offrant peu de couverture), soit payé par le biais de la cotisation à la complémentaire dont les prix ne cessent d’augmenter.
En écho à l’hostilité d’une majorité de citoyens face à ces franchises, Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a lancé en juin 2007 la proposition de « bouclier sanitaire ». Il s’agit de plafonner le reste à charge pour les assurés en fonction de leur revenu (de 3 à 5 % du revenu brut). Ce bouclier sanitaire est pour les assurés une fausse « bonne idée » (cf. article de Pierre Volovitch p. 77).
Parallèlement à la mise en place de nouvelles franchises, Nicolas Sarkozy a annoncé la création pour 2008 d’une 5e branche de protection sociale censée être une réponse au problème majeur de la prise en charge des personnes handicapées ou âgées dépendantes : les franchises annoncées initialement comme un moyen de renflouer les caisses de l’Assurance maladie lui seraient destinées. Son financement et sa gestion seraient multiples : elle relèverait de l’Etat, mais aussi des collectivités locales, du système assurantiel complémentaire. Il n’y a pas de frontière entre soin et prise en charge de la dépendance, pourquoi l’Assurance maladie ne prendrait-elle pas en charge la dépendance ? Avec cette 5e caisse, à laquelle le gouvernement risque de transférer de plus en plus de charges, on s’éloigne du système d’Assurance maladie solidaire
Face aux choix gouvernementaux de franchises, la mobilisation s’est organisée
Professionnels du soin, syndicats, acteurs du monde associatif, mutualistes, représentants des usagers ont organisé une conférence de presse commune à la mi-juin pour défendre l’accès aux soins. Ils affirment ensemble « La question de la dépense de soins découle de décisions politiques. Les dépenses sont fonction de l’organisation du système de soins, du mode et du niveau de rémunération des soignants, du type de formation qu’ils reçoivent (formation indépendante, formation aux questions de précarité et d’accès aux soins...), de la mise en place d’actions de prévention et d’éducation à la santé, d’actions sur les conditions de vie des gens, sur la santé au travail et l’environnement. »
A l’issue de la conférence de presse, une journée nationale d’action a été décidée pour le 29 septembre : « 4 heures pour la Sécu, contre la franchise sur les soins ». Le collectif organisateur rappelle que « le financement solidaire est la condition indispensable pour améliorer notre système de santé… Notre pays n’a jamais été aussi riche. Il faut donc exiger un débat sur la part des richesses dévolue à la santé. C’est un choix de société. Alors, il faut choisir. Soit, comme l’a fait Nicolas Sarkozy, multiplier les cadeaux fiscaux aux plus favorisés et les exonérations de cotisations pour les employeurs (5) soit partager les richesses pour maintenir une Sécu fondée sur la solidarité. Là est le cœur du débat. »
Notes :
- 1) voir le détail des mesures gouvernementales et le rapport des comptes de la Sécurité sociale sur
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/comptes_secu07/dossier_de_presse.pdf
- 2) Extraits annuaires Sécu, lettre 260
http://www.annuaire-secu.com/html/news260.html
- 3) Didier Tabuteau, Le Monde, 3 août 2007, Menaces sur l’accès aux soins
- 4) Le paquet fiscal coûtera plus de 13 Md euros par an dont la moitié est consacrée à la défiscalisation et à l’exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires (Le Monde 11/07).