Jeudi 17 octobre, les syndicats de médecins « représentatifs » et la direction de l’Assurance maladie se sont quittés sans s’être mis d’accord sur l’avenant conventionnel régissant les dépassements d’honoraires. Un dernier rendez-vous est prévu pour ce lundi 22 octobre.
Au Syndicat de la Médecine Générale, nous nous réjouissons de l’absence actuelle de signature, car nous estimons que le projet le projet d’avenant conventionnel, qui sera la base du débat du 22 octobre est inacceptable :
- Il ne résoudra en rien la question des dépassements d’honoraires et de l’accès aux soins : aucun seuil n’a été inscrit dans le projet d’avenant pour définir ce qui serait considéré comme « tarif excessif ». Pour le directeur de l’Assurance maladie, il s’agirait des dépassements qui seraient 150 % au dessus du tarif opposable (soit un acte 2,5 fois plus cher que le tarif opposable).
Un nouveau secteur « optionnel » sera proposé aux médecins qui s’engageront à ne pas faire de dépassements au delà de 100 % du tarif opposable et à pratiquer certains actes à tarifs opposables.
Il faut rappeler que la moyenne actuelle des dépassements d’honoraires est de 50 % au dessus du tarif opposable. Cet accord laisserait donc perdurer les "dépassements ordinaires" qui constituent la cause principale du renoncement aux soins .
Par ailleurs, même en ce qui concerne les dépassements dits « excessifs », ce sera principalement l’Ordre des médecins qui sera chargé de les contrôler alors qu’il ne fait absolument pas respecter l’interdiction de refuser les patients couverts par la CMU complémentaire.
- Ce projet n’apporte aucune réponse de fond à la question des modalités d’exercice et de niveau de rémunération des médecins et tout particulièrement à celle des médecins généralistes de secteur 1 : il n’agit qu’à la marge sur la rémunération de certains actes et dossiers de synthèse.
- Ce projet recèle un danger majeur : une place accrue des complémentaires dans la prise en charge des soins et la gestion du système de soins :
*l’Assurance maladie obligatoire est financée par des cotisations socialisées dépendant des revenus, les assurances complémentaires sont financées par des cotisations qui sont les mêmes quels que soient les revenus. Le transfert des charges du régime obligatoire solidaire vers le régime complémentaire entraînerait un reste à charge accru pour les citoyens n’ayant pas de complémentaire et une augmentation des cotisations complémentaires pour les autres, qui pèserait plus lourdement sur ceux dont les revenus sont plus faibles.
*Toute participation des complémentaires dans la prise en charge de la rémunération des soignants sous forme de forfaits ou de « rémunération sur objectifs » rendrait les prescriptions des médecins dépendantes des complémentaires mutuelles ou assurantielles. C’est un système à l’américaine, où ce sont les assurances qui décident des choix de prise en charge des soins et des objectifs de santé, ce qui est une menace majeure pour l’accès aux soins des patients et pour la prise en charge indépendante et solidaire des besoins de santé de la population.
Nous pensons que le débat sur les dépassements d’honoraires doit sortir du huis clos entre médecins, Assurance maladie et complémentaires santé, et faire l’objet d’un débat démocratique.
C’est la loi qui devrait déterminer le niveau de protection sociale des citoyens et les choix de santé publique.
Nous avons bon espoir que la séance du 22 octobre ne permette pas la signature du protocole d’accord car le principal syndicat de médecins généralistes MG France dénonce lui aussi ce protocole d’accord. En l’absence d’accord , ce dossier sera débattu au parlement comme l’avait initialement annoncé la ministre de la santé qui malheureusement a dit qu’elle trouvait ce protocole d’accord « équilibré ».
Nous pensons que les citoyens, les associations, les syndicats et les partis politiques soucieux de l’accès aux soins doivent se mobiliser car l’Assurance maladie doit être l’unique régime de protection maladie solidaire et socialisé. Cette mobilisation est d’autant plus importante que refait surface au niveau de la commission Européenne la proposition de placer les services de sécurité sociale obligatoire sous un nouveau régime, celui de "régime allégé", régime qui obéit à des logiques de marchés publics avec mise en concurrence d’acteurs.
Marie Kayser, médecin généraliste
Membre du Syndicat de la Médecine Générale et de la rédaction de la revue Pratiques ou les Cahiers de la médecine utopique