Chers amis, chers patients,
Cette lettre vous informe du refus par votre médecin du paiement à la performance, alias ROSP (Rémunération sur Objectifs de Santé Publique). Il s’agit d’une décision minoritaire, mais collective et portée notamment par le Syndicat de la Médecine Générale.
En France, les médecins généralistes sont très majoritairement rémunérés à l’acte. Ce sont les fameux 23 (bientôt 25) euros par consultation payés, avec ou sans avance des frais, par votre caisse de sécurité sociale et votre complémentaire si vous en avez une. Ce système de paiement à l’acte génère malheureusement une médecine « à la chaîne », il incite à travailler vite : plus on fait d’actes, plus on est payé.
Depuis 2011, la rémunération à la performance (ROSP) offre aux médecins l’ayant acceptée un complément de revenu, en moyenne de 6700 euros par an en 2015. Ce modèle de « pay for performance » est inspiré du management anglo-saxon qui vise en principe l’amélioration de la qualité des soins.
Dans les faits, le médecin touche cette « prime » s’il suit les objectifs chiffrés édictés par la caisse de sécurité sociale : prescriptions limitées de certains médicaments (somnifères, antibiotiques, etc.), taux suffisant de vaccination ou de dépistage du cancer du sein par exemple… Ce système inefficace, qui a été abandonné dans les pays pionniers (Etats-Unis, Grande-Bretagne), génère un conflit d’intérêt entre le médecin et le patient. En effet, la CPAM, à la fois évaluateur et payeur, donc juge et partie, incite financièrement le médecin à une pratique qui peut être contraire aux souhaits du patient ou aux données de la science. Le médecin peut être partagé entre son intérêt de gagner la prime et l’intérêt de soigner le patient. Par exemple, le médecin pourrait inciter, même inconsciemment, une femme à la mammographie systématique (controversée scientifiquement) alors qu’elle s’y oppose, ou à réduire à l’avenir la durée d’un arrêt maladie, car il y serait intéressé financièrement. En Grande-Bretagne, ce système pervers a poussé des médecins à refuser des patients pas assez « rentables et performants ». Par ailleurs, l’objectif final inavoué semble bien être la réduction des coûts et non la santé publique.
Nous, médecins, soignants, critiquons ce système idéologique et demandons d’autres moyens de rémunérations qui permettent une médecine plus lente et plus à l’écoute des patients et de la complexité des situations : salariat, forfaits, capitation (paiement en fonction du nombre de patients suivis). Des expériences positives existent en Europe, comme les Maisons Médicales Belges.
Pour améliorer la qualité des soins, nous demandons une évaluation des pratiques professionnelles indépendante, basée sur des références scientifiques et une réflexion collective, pour la santé et dans l’intérêt des patients.