Chers collègues,
Des médecins préoccupés de soigner au mieux nos malades, nous le sommes tous, vous médecins conseil de l’Assurance maladie et nous médecins généralistes. Votre mission, pourtant, est souvent vécue comme une surveillance de nos pratiques professionnelles, alors que vos compétences sont complémentaires des nôtres.
Nous avons tous besoin qu’il existe, en France, une Assurance maladie solidaire permettant à chaque citoyen d’accéder aux soins. Vous contrôlez le respect médical des dispositifs de prise en charge des personnes malades, nous prodiguons des soins à des malades. Pour vous comme pour nous, la difficulté de l’exercice professionnel réside dans l’adaptation de ces dispositifs à la réalité de chaque personne rencontrée. Vous avez constaté que la complexité augmente tant aujourd’hui la contingence psychosociale interfère dans le soin. Nous nous heurtons à cette difficulté pour tous les projets thérapeutiques que nous mettons en œuvre. Dans l’intérêt de tous, mettons en commun nos compétences : la pratique du travail en réseau nous a appris que des pratiques professionnelles très différentes pouvaient se conjuguer, dès lors que l’on partage un objectif commun comme aider le patient à faire face à sa maladie.
La nouvelle réforme de l’Assurance maladie - et la convention médicale qui s’y rattache - modifie radicalement cette nécessaire coopération. Basée sur une analyse erronée (le déficit de l’Assurance maladie essentiellement dû aux abus dans l’utilisation des prestations offertes par la Sécurité sociale), elle est excessivement dangereuse pour les acteurs du soin et pour les personnes malades et, de plus, éthiquement honteuse. Axer une politique de résorption du déficit sur la lutte contre les abus s’oppose à l’absence totale de lutte contre la croissance des déterminants des maladies, et pourtant là il y a de quoi faire... ensemble.
Accepterez-vous que, demain, des médecins collaborateurs des employeurs vous influencent sur la validité d’un arrêt de travail, alors que l’étiologie de la pathologie est le plus souvent au sein même de l’entreprise ? Votre nouvelle mission est-elle de chercher les nouveaux coupables, malades en Affection Longue Durée, malades en arrêt de travail, médecins généralistes accompagnant ces patients, sans tenir compte de la complexité des situations ? Par crainte de la sanction, bon nombre de médecins vont préférer ne plus assumer ces accompagnements difficiles, entravant ainsi l’accès aux soins.
Nous ne soignons pas une succession d’organes, nous accompagnons des personnes malades et la qualité des soins, qui est aussi une de vos préoccupations, c’est justement de cesser de fragmenter la personne. C’est le problème posé dans les affections de longue durée : séparer ce qui relève ou non de l’affection longue durée, c’est le type même de fragmentation qui génère de la non qualité et qui aggrave le non accès aux soins.
La réforme de l’Assurance maladie vous demande de devenir des censeurs de l’action de soins et des chasseurs d’abus qui existent si peu. Nous sommes prêt à ouvrir un débat sincère et honnête, le moment est venu de nous parler.
Recevez, chers collègues, l’expression de nos salutations respectueuses.