En 2011 sans que personne ne réagisse, des militants politiques allemands de plus de 70 ans ont été extradés à la demande de l’Allemagne pour être jugés pour des affaires datant de 35 ans.
Sonja Suder et Christian Gaucher, anciens militants du groupe RZ (cellules révolutionnaires) dans les années 70 étaient réfugiés en France depuis 1978. Ils avaient été déclarés non extradables en 2001 pour prescription des faits. En 2008 ils sont de nouveau arrêtés - suite à une rectification des accords France-Allemagne en 2005 - et extradés en 2011.
Sonja Suder, 80 ans, est en prison à Francfort et Christian Gauger, 72 ans en rétention à domicile en raison de son état de santé (séquelles d’accident cardiaque puis cérébral)
Leur procès dure depuis septembre 2012, bien que la LDH ait demandé leur retour dans le lieu de leur choix et l’abandon des poursuites.
Ils sont accusés d’avoir participé à des attentats entre 1975 et 1978, vis-à-vis d’entreprises commercialisant du matériel nucléaire, ou des armes vers l’Afrique du sud, et pour des actions autour de la coupe du monde de football en Argentine.
Ces accusations sont liées aux déclarations d’un autre militant : Hermann Feiling, qui a été gravement mutilé en juin 1978 par l’explosion d’une bombe artisanale destinée à l’ambassade d’Argentine. Cette personne a été interrogée dès le lendemain de son intervention chirurgicale (où il avait été amputé des deux membres inférieurs et des deux yeux et avait de graves brûlures) et durant plus de 4 mois, à l’hôpital, sans avocat.
Sonja Suder est aussi accusée d’avoir participé à l’attentat de Vienne contre l’OPEP (prise d’otages en décembre 1975) sur les déclarations en 1998 d’un prisonnier politique « repenti », Hans Joachim Klein, contre sa libération.
La Ligue Internationale des Droits de l’Homme a écrit à la présidente du tribunal pour lui demander de ne pas cautionner un procès basé sur des déclarations obtenues sous la torture.
Un collectif de soutien propose aux professionnels de santé d’envoyer une lettre au président du tribunal afin de défendre les principes d’éthique médicale énoncés par le Haut Comité des Droits de l’Homme en 1982 pour la protection des prisonniers et détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants.
présentation du comité de soutien
Nous nous adressons à vous en tant que professionnels de la santé au nom des Principes d’éthique médicale énoncés par le HCDH en 1982, applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Principes réaffirmés notamment par l’AMM (Association Médicale Mondiale) lors de sa 54e assemblée en 2003 et amendée lors de sa 58e assemblée en 2007.
En effet, nous souhaitons attirer votre attention sur un procès qui a lieu en Allemagne à Francfort depuis septembre 2012 contre Sonja Suder et Christian Gauger, deux militants des mouvements contestataires des années 70, aujourd’hui âgés respectivement de 80 et 71 ans, qui en septembre 2011 ont été extradés vers l’Allemagne après 33 années de résidence en France.
En 2001 la justice française les avait déclarés non extradables, mais la modification des règles dans les procédures d’extradition au niveau européen a entraîné une acceptation par la France de leur extradition en septembre 2009 mise à exécution en septembre 2011.
La tenue de ce procès n’est aujourd’hui possible que parce que la juge chargée d’instruire ce procès accepte de retenir comme chefs d’accusations portés contre Sonja Suder et Christian Gauger, les déclarations obtenues en 1978 après amputation des deux jambes et énucléation des deux yeux, d’Hermann Feiling, retenu illégalement en isolement total pendant 4 mois, contrevenant ainsi à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dans son article 5, ainsi qu’à celui de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui précisent que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».
Concernant spécifiquement Sonja Suder, elle doit également répondre aux accusations portées en 1998 par Hans Joachim Klein, lesquelles ont permis à ce dernier d’obtenir le statut de « témoin de la couronne », entraînant dans un premier temps une remise de peine (condamnation de 9 ans) commuée après 4 ans en grâce définitive.
En utilisant les déclarations d’Hermann Feiling de 1978, en refusant de procéder à une expertise médicale de qualité par des médecins compétents en matière de traumatismes graves comme l’amputation des deux jambes et l’énucléation des deux yeux, en refusant de prendre en compte l’avis émis le 02.12.2012 par Katja Kröner psychothérapeute spécialiste en thérapie des traumatismes psychiques, en utilisant l’avis d’un médecin M. Haag, non qualifié en la matière et qui a été refusé par Hermann Feiling, en demandant la comparution d’Hermann Feiling, la juge Stock en charge de ce procès contrevient aux principes de l’interdiction absolue de recourir à la torture et du droit à un procès équitable, reconnus par les conventions internationales dont la République Fédérale d’Allemagne est signataire.
Nous sommes persuadés que la défense des droits humains, la lutte contre toutes formes de torture et de traitements inhumains et dégradants est un combat qui vous tient à cœur, tout particulièrement lorsque certains procédés contraires aux règles fondamentales de l’éthique médicale sont utilisés dans l’exercice de la médecine.
Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ce dossier et restons à votre entière disposition pour toute information complémentaire.
Collectif de soutien à Sonja Suder et Christian Gauger
Contact : sudergaugerproces@gmail .com
www.stopextraditions.blogspot.fr - www.linter.over-blog.com
lettre à adresser au président du tribunal (modèle joint en pdf)
MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
An den Präsidenten des Landgerichts
Frankfurt/Main Aktenzeichen : 5/22 Kls 13/11
Gerichtsstr.
60313 Frankfurt/M.
Allemagne
Nous vous demandons de renoncer à l’utilisation dans le procès contre Sonja Suder et Christian Gauger des déclarations de Monsieur Hermann Feiling obtenues en 1978 au lendemain de son amputation des deux jambes et de l’énucléation des deux yeux.
Ces interrogatoires consignés dans un rapport de 1300 pages par des agents de l’administration judiciaire et policière, alors que Monsieur Hermann Feiling était maintenu dans un isolement complet pendant plus de quatre mois, constituent une violation de :
- l’article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme,
Article 5 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
- de l’article 3 de la Convention Européenne des droits de l’Homme, dont votre pays est signataire
Article 3 : Interdiction de la torture
Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
- de l’article 4 des principes de l’éthique médicale de la déclaration du Haut Commissariat des Droits de l’Homme,
Principe 4 : Il y a violation de l’éthique médicale si des membres du personnel de santé en particulier des médecins :
b) Certifient, ou contribuent à ce qu’il soit certifié, que des prisonniers ou des détenus sont aptes à subir une forme quelconque de traitement ou de châtiment qui peut avoir des effets néfastes sur leur santé physique ou mentale et qui n’est pas conforme aux instruments internationaux pertinents, ou participent, de quelque manière que ce soit, à un tel traitement ou châtiment non conforme aux instruments internationaux pertinents.
- des articles 5, 6 et 7 de la Résolution de l’Association Médicale Mondiale, lors de sa 57e assemblée en 2003 et de sa 58e assemblée en 2007 incitant les Associations médicales
Article 5 : permettent que soit établie une meilleure corrélation entre les examens cliniques, la connaissance des méthodes de torture et les allégations des patients sur les abus commis.
Article 6 : facilitent l’établissement de rapports médicaux de grande qualité sur les victimes de la torture pour soumission aux corps judiciaires et administratifs.
Article 7 : veillent au mieux à ce que les médecins respectent le consentement éclairé et évitent de mettre en danger des individus en documentant des stigmates de torture et de mauvais traitement.
- de l’article 1 de la Constitution fédérale d’Allemagne.
« La dignité de l’être humain est intangible. Tous les pouvoirs publics ont l’obligation de la respecter et de la protéger. »
C’est pourquoi, au vu de ces graves manquements au respect de la personne, au droit à un procès équitable et au refus de l’utilisation de la torture pour obtenir des déclarations, nous vous demandons instamment de renoncer à l’utilisation des déclarations ainsi qu’à la convocation de Monsieur Hermann Feiling déjà fortement éprouvé afin de ne pas mettre sa vie en danger.
Nom …………………………………….Prénom………………………. Qualité………………………….
Adresse :……………………………………………………………………………………………………...
Date et Signature :