I. NOTRE BILAN
En ce début d’année 2015, le mouvement de grève et de protestation des médecins généralistes contre le projet de loi du gouvernement relatif à la santé a été très suivi. Beaucoup pourront constater et regretter la cacophonie des revendications, allant de la revalorisation des actes au refus du tiers-payant et de la délégation de tâches. Dans un contexte socio-économique difficile pour beaucoup de nos patients, cette grève est parfois perçue comme la défense de privilèges d’une classe favorisée.
La gestion de cette grève révèle le mépris politique dont fait l’objet les soins primaires en France, qui n’ont jamais fait l’objet d’une réelle politique publique.
Nous pouvons ainsi constater la crispation et le refus de négociations du gouvernement avec les généralistes, alors que les revendications d’inflation tarifaire des spécialistes des cliniques ont été acceptées, avant même l’appel à la grève. Deux poids, deux mesures. Ce passage en force prouve le mépris des élites pour les soins de premiers recours et le pouvoir des médecins libéraux spécialistes d’organes sur les politiques de santé.
Nous vivons et partageons la crise des soins primaires avec nos collègues grévistes. Nous analysons ce mouvement de protestation comme une crise systémique et ancienne des soins primaires. Les conditions d’exercice sont difficiles : surcharge de travail, désertification médicale, absence de coordination, isolement professionnel, etc.
De plus, alors que la filière généraliste représente plus de la moitié des professionnels, celle-ci reste chroniquement sous-dotée en matière de recherche, d’enseignement et d’argent.
Ainsi cette souffrance et ce malaise de la profession sont-ils la conséquence d’une absence de politique et d’un laisser-faire libéral dans le champ des soins de premiers recours.
II. NOTRE POSITION
Nous avons refusé d’appeler à faire grève car :
1/ Les revendications contradictoires ne répondent pas au problème global que nous posons : comment construire un système de santé solidaire indépendant et accessible à tous ?
2/ Les motifs de la grève nous ont semblé corporatistes, défendant un modèle libéral de la médecine : inflation tarifaire, non remise en cause du paiement à l’acte, conservatisme du pouvoir médical avec le refus de la délégation de tâches, refus en bloc du tiers payant qui est un outil de justice sociale.
Nous ne défendrons pas le projet de loi de santé publique de Marisol Touraine :
1/ Parce qu’il ne donne pas de garanties quant à la gestion du tiers-payant, qui doit nécessairement être réalisé par le régime de base au sein de l’Assurance Maladie.
Sans ce guichet unique au sein du système de protection sociale public et solidaire, les systèmes assurantiels complémentaires chercheront à séduire des médecins excédés par des problèmes administratifs, en ouvrant leur porte à des contractualisations individuelles, comme aux USA, où la médecine sélectionne les patients par l’argent. Cela, nous le refusons.
2/ Parce que ce projet ne dit rien sur la nécessaire organisation des soins de premiers recours. Le rapport Cordier de 2013, relatif à une stratégie nationale de santé des soins primaires aurait pu être un bon point de départ.
Par ailleurs, nous regrettons le non-respect des promesses de François Hollande sur la suppression des franchises médicales et l’interdiction des dépassements d’honoraires, qui font le jeu des assurances privées. Nous regrettons l’accord national inter-entreprises (ANI) qui, au lieu d’étendre le remboursement des soins par l’Assurance maladie, confère aux complémentaires santé un pouvoir accru et ne garantit pas une couverture de qualité. Nous regrettons également la disparition programmée de la médecine du travail avec, entre autres, la loi Macron.
Il en va ainsi de l’ambivalence et du cynisme d’un gouvernement durablement converti au libéralisme et qui n’ose pas mener une politique sociale de santé digne de ce nom.
III NOS PROPOSITIONS
1) des propositions immédiates :
- suppression des franchises médicales
- établissement par voie législative – et non conventionnelle - d’une planification pour l’extension des nouveaux modes de rémunération pour leur réelle pérennité
- garantie d’un guichet unique au sein de la Sécurité sociale solidaire pour la gestion du tiers payant généralisé (nous demandons au gouvernement d’indiquer publiquement les principaux obstacles actuels et pourquoi ils ne sont pas résolus).
2) à terme, des propositions structurelles :
ETABLIR ET AFFIRMER NOTRE MISSION DE SERVICE PUBLIC
- Définition des missions des soignants de soins primaires en fonction des besoins de soins et de santé de la population. Nous convoquons donc des Etats généraux de la santé.
- En fonction de ces missions, redéfinition de nos modes de rémunération : sortie du paiement à l’acte majoritaire et évolution vers capitation, salariat, forfait.
GARANTIR LE MAINTIEN D’UN SYSTEME DE PROTECTION SOCIALE SOLIDAIRE
- Unification des régimes de base en une caisse universelle. Extension de la Sécurité sociale publique qui est la plus solidaire et la moins coûteuse, au détriment des systèmes assurantiels privés.
- Diminution puis suppression planifiée du ticket modérateur en soins primaires.
- Lutte contre les dispositifs favorisant la part des systèmes assurantiels : pour la suppression du secteur II et des dépassements d’honoraires, en tous points injustifiables, pour une vigilance accrue contre un système de guichet unifié au sein des systèmes assurantiels, pour la partie complémentaire du Tiers Payant Généralisé.
REORIENTER LE SYSTEME VERS UN SYSTEME DE SANTE ET DE SOINS PRIMAIRES
- Définition et construction d’un statut de praticien ambulatoire calqué sur le modèle des praticiens hospitaliers.
- Formation médicale initiale sur terrains de stage majoritairement extra-hospitaliers pour tous les futurs soignants, harmonisation des moyens de recherche entre médecine générale et autres spécialités.
- Valorisation de l’exercice regroupé et/ou coordonné des soignants, médecins et professionnels de santé, au sein de maisons pluri professionnelles, pôles de santé ou réseaux d’accès aux soins, en garantissant leur financement au niveau législatif et en clarifiant leur cahier des charges et leur projet.
LUTTER CONTRE LES CONFLITS D’INTERET
- Formation initiale et continue indépendante de l’industrie pharmaceutique.
- Contrôle du lobby pharmaceutique pour éviter à l’avenir des catastrophes type Mediator ou Lucentis/Avastin.
- Sanctuarisation du domaine de la santé face aux Partenariats publics privés (PPP).
Pour une loi de santé publique qui prenne en compte les besoins de la population et la place des professionnels de premier recours !
PETITION : http://www.smg-pratiques.info/Petition-Pour-un-tiers-payant.html