PARIS, 14 avril 2014 (APM) - Une vingtaine d’associations, réunies au sein de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), ont interpellé vendredi dans un courrier le Premier ministre, Manuel Valls, sur la problématique du droit au séjour des étrangers gravement malades.
Les associations de ce collectif précisent qu’elles demandent depuis deux ans que soient rappelées les procédures applicables par les administrations concernées (cf APM MHQCJ001).
Depuis, un rapport des inspections générales des affaires sociales (Igas) et de l’administration (IGA) de mars 2013 a été rendu public début avril 2013 (cf APM NCQD2004) et une instruction a été diffusée fin mars 2014 (cf APM NCRCL002). Mais, pour l’ODSE, cela n’est pas satisfaisant.
« Suite à l’élection présidentielle de 2012 et fort des promesses du candidat élu quant au rétablissement du droit au séjour des étrangers malades », de nombreuses rencontres avec le ministère de l’intérieur et de la santé ont été organisées, précise le collectif dans son courrier au Premier ministre daté de vendredi.
« Or non seulement les violations des règles de procédures ont continué à prospérer aux guichets des préfectures, mais on assiste depuis plusieurs mois à une nouvelle dérive dans l’application de ce droit, avec la multiplication de ’contre-enquêtes médicales’ réalisées par les préfectures, en violation du secret médical et en contradiction des avis rendus par les médecins des ARS [agences régionales de santé] (Mars) et des instructions du ministère de la santé », ajoute-t-il.
L’ODSE estime que le ministère de l’intérieur n’a apporté aucune réponse alors que le ministère de la santé se relève « impuissant à faire appliquer ses propres instructions ».
Quant à l’instruction diffusée fin mars, le collectif reconnaît qu’elle rappelle « utilement » un certain nombre de règles mais la juge « défaillante sur deux points essentiels ».
D’abord, elle ne « délivre aucune consigne aux préfets de mettre fin aux contre-expertises médicales auxquelles certains d’entre eux se livrent ».
L’ODSE estime toutefois urgent de « rappeler aux préfets concernés que, bien qu’ils ne soient pas ’liés’ par l’avis rendu, en toute indépendance, par le Mars, ils doivent apprécier les seuls critères administratifs de la demande pour déterminer la forme de protection appropriée à l’avis médical ». Dans le respect du secret médical et de l’évaluation personnalisée effectuée par les Mars, les préfets n’ont « ni motif, ni compétence pour contester cet avis médical », souligne l’observatoire.
En outre, le collectif estime que l’instruction du 10 mars propose une « définition très restrictive de la notion de ’risques de conséquences d’une exceptionnelle gravité’ d’un défaut de prise en charge sur laquelle reposent les critères médicaux d’admission au séjour ».
Cette condition « doit être regardée comme remplie chaque fois que l’état de santé de l’étranger concerné présente, en l’absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d’une atteinte à son intégrité physique ou d’une altération significative d’une fonction importante », dispose l’instruction.
« Lorsque les conséquences exceptionnellement graves ne sont susceptibles de survenir qu’à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), vous pourrez fonder votre appréciation en examinant les conséquences sur l’état de santé de l’intéressé de l’interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins) », précise le texte.
Selon l’ODSE, cette définition signifierait que ne peuvent bénéficier d’un droit au séjour que les personnes dont le pronostic vital est compromis à court terme ou moyen terme. « Au mépris des principes de continuité des soins, elle réduit donc la portée de la définition proposée par le conseil national du sida (pourtant cité dans l’instruction), en écartant directement les personnes séropositives au VIH et/ou au VHC asymptomatiques, par exemple », signale le collectif.
Ces deux points constituent une « défaillance grave des deux ministères référents », pointe l’observatoire, qui demande au Premier ministre, « dans l’attente d’une réforme législative », un « arbitrage qui mette un terme à ces dérives ». Il lui propose une rencontre « au plus vite ».
Le courrier est également adressé à Bernard Cazeneuve, nouveau ministre de l’intérieur, et à Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.
mh/eh/APM polsan
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