Martine Lalande est généraliste dans un cabinet de groupe à Gennevilliers, dans un quartier « très pauvre ». Pour elle et ses collègues, pratiquer la dispense de l’avance des frais est une évidence.
« Ici, on prescrit peu, on discute beaucoup, on a une relation empathique avec les patients. On essaie de faire en sorte que les gens vivent bien ou mieux. En bref, on exerce une médecine intelligente proche des gens. » Cela fera bientôt trente ans que Martine Lalande a posé sa plaque de médecin généraliste dans le quartier des Agnettes à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Un engagement militant assumé que cette femme, qui n’a « ni la même pratique » ni la « même patientèle » que la plupart de ses confrères généralistes, n’a jamais renié et qui se traduit, entre autres, dans le cabinet de groupe où, avec quatre autres médecins, elle exerce, par l’application du tiers payant, ce dispositif tant décrié que la ministre de la Santé veut généraliser d’ici à 2017. Martine Lalande, elle, l’utilise depuis une quinzaine d’années. « Il y a eu le “dû autorisation avance ?? , écrit sur une feuille envoyée à la Sécu, pour dispenser d’avance de frais les gens pris en charge à 100 %, explique-t-elle. Puis la réforme de 1998, instituant le médecin référent, où le médecin, passant contrat avec les patients volontaires, s’engageait à s’occuper de leur santé, à leur prescrire des génériques, à se former et, en échange, leur offrir le tiers payant. Finalement, on s’est aperçu qu’on pouvait le proposer à tout le monde. Ce qu’on propose aujourd’hui à nos 7 000 patients. »
Un dispositif qui permet de sortir du système de l’offre et de la demande
Concrètement, les patients de Martine Lalande payent généralement 6,90 euros, le reliquat pris en charge par les complémentaires qui, pour quelques-unes, proposent aussi le tiers payant. « Dans un quartier comme les Agnettes, très pauvre, payer 6,90 euros au lieu de 23, c’est utile pour se soigner ! », martèle la praticienne, qui reconnaît toutefois que « le tiers payant ne résout pas le problème de ceux qui ne peuvent pas se payer une mutuelle ». Néanmoins, ce système « permet de sortir un peu du système de l’offre et de la demande : on peut programmer le suivi des patients, sans avoir l’impression de les rançonner. Cela permet de consulter en fonction de ses besoins et non de son porte-monnaie. Ici, vous consultez, et après, on vous demande votre carte vitale. » De son point de vue de médecin, le tiers payant n’est nullement vécu comme une charge, même si elle reconnaît que la Sécu n’est pas toujours très « vertueuse » en termes de délais de paiement. « Avec la télétransmission, je suis remboursée en une semaine. Bien sûr, si les patients n’ont pas leur carte vitale, il faut compter quatre à six semaines de délais… », admet Martine Lalande. Pour cette dernière, la généralisation de ce dispositif est d’ailleurs une « évidence ». La solution ? « Que la Sécu nous paye et qu’elle se débrouille avec les mutuelles… » Mais surtout, le débat actuel autour de la loi de Santé, qui « n’a pas de sens et ne propose aucune réflexion sur un système de santé public », devrait être l’occasion de « poser les vraies questions » : « Supprimer les franchises et les dépassements d’honoraires. Rembourser les actes à 100 % par la Sécu. Enfin, sortir du paiement à l’acte, qui régit actuellement l’offre de soins. Ce système favorise le mauvais travail et la consommation d’actes. Cela ne prend pas en compte les activités de conseil et de prévention. Les médecins pourraient être salariés ou payés en fonction du nombre de patients dont ils s’occupent et sur des critères adaptés aux territoires. »
Alexandra Chaignon
Jeudi, 19 Mars, 2015