Voici le communiqué de RESF
Des informations fiables et convergentes arrivent sur l’imminence d’une vaste opération policière organisée à l’échelle de l’Europe, en théorie contre les filières d’immigration clandestine, en pratique contre tous les migrants.
Elle est prévue entre le 13 et le 26 octobre. Les risques de contrôle et d’interpellation seront très importants pendant cette période.
Informez-d’urgence les usagers de vos permanences, les migrants que vous connaissez et conseillez
- d’éviter les lieux à risques (gares, métro et RER) ;
- de ne pas prendre leur passeport ;
- d’avoir avec eux un n° de téléphone à contacter ;
- et pour les jeunes scolarisés leur carte d’identité scolaire ou leur carnet de correspondance.
RESF 93
Vous trouverez en pièce jointe, un flyer qui est traduit en 4 langues et appelle les personnes migrantes à la vigilance, prévient que les contrôles seront renforcés pendant cette période. Nous vous invitons à le relayer (par ex dans les permanences ou autres lieux).
L’ONG britannique Statewatch a réussi à obtenir un document officiel du Conseil de l’Union européenne datant du 10 juillet 2014 qui explique les objectifs et modalités de cette opération hallucinante appelée « Mos maiorum ». Comme le doc est seulement en anglais, en voici un résumé.
Objectifs de l’opération
Cette opération se déroulera sur 2 semaines, du 13 au 26 octobre. La finalité de l’opération est premièrement, d’« affaiblir la capacité des groupes criminels organisés qui facilitent l’immigration illégale dans l’UE et se concentrera sur les passages illégaux de frontières » (traduction du document) ; et deuxièmement, de collecter de l’information sur les principales routes utilisées par les migrants qui entrent de façon dite irrégulière et sur les façons d’opérer des réseaux criminels pour faire passer les personnes dans l’UE. Cette opération va donc consister en :
- interpellation des migrants en situation irrégulière pour recueillir des informations en vue d’enquêter (sur les réseaux criminels)
- identification, poursuite en justice et démantèlement des réseaux criminels
- recherche/analyse des routes utilisées par les migrants et les réseaux (à la fois aux frontières extérieures et au sein de l’espace Schengen)
- à terme, renforcement des actions afin de lutte contre l’immigration « illégale » (contrôles aux frontières et activités de surveillance)
Les États membres de l’UE et les Etats participant à Schengen sont incités à participer activement à l’opération. L’opération sera coordonnée par l’Italie qui occupe actuellement la présidence du Conseil de l’UE, el lien étroit avec Frontex. Visiblement ce n’est pas la première fois que ce type d’opérations a lieu.
Préoccupations
- Derrière l’objectif de démantèlement de réseaux des passeurs, l’objectif semble donc bien aussi d’arrêter massivement des personnes en situation irrégulière. Les contrôles aux frontières extérieures mais aussi au sein de l’espace Schengen (notamment ports, gares, aéroports) devraient être renforcés pendant cette période.
- Évidemment, le document ne dit pas du tout ce que deviendront les personnes interpellées, ni sur quelles bases les personnes seront contrôlées/interpelées (en fonction du faciès, d’un profil racial ?, ce qui serait en contradiction avec le droit européen, notamment le code frontières Schengen).
- Cela pose aussi des questions en matière de protection des données : quelle utilisation sera faite des données -dont des données personnelles- récoltées ? (Les États membres sont censés recueillir le plus de détails possibles sur les migrants interceptés : âge, sexe, nationalité, lieu et date d’entrée, routes utilisées, etc.)
- Opacité de l’opération : très peu d’informations sont disponibles, pas de contrôle démocratique (le Parlement européen ne semble pas avoir été informé). C’est géré au sein du Conseil de l’UE (a priori au sein des groupes de travail du Conseil qui sont peu transparents car il n’y avait rien de tel à l’agenda public des réunions officielles du Conseil de l’année 2014). Quelle implication concrète des États membres ? L’Espagne a annoncé sa participation. Qu’en est-il de la France ?
Et pour couronner le tout la signification du nom de l’opération. « Mos maiorum », selon le site belge d’information sur les centres fermés, « Getting the voice out », signifierait « mœurs des anciens » ou « coutumes des ancêtres » il désigne dans la Rome antique le mode de vie et le système des valeurs ancestrales. Il est souvent pris comme une référence, et est à opposer au spectacle de la décadence du temps présent ! En savoir plus ici sur les 5 fondements de ce concept, d’un cynisme total au vu des objectifs de l’opération.
Le lancement de cette opération, alors que l’UE vient de faire des déclarations suite au triste anniversaire du naufrage de Lampedusa d’octobre 2013 disant qu’elle souhaite agir pour éviter de nouveaux naufrages, illustre bien le double discours de l’UE et le fait que Frontex n’est pas là pour sauver des vies en mer, comme on voudrait parfois nous le faire croire…
Voici le communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme
Opération « Mos Maiorum » :
la traque aux migrants sans-papiers en Europe
10 octobre 2014
« Mos Maiorum » est un énième exemple de la guerre menée par l’UE contre un ennemi imaginaire.
Du 13 au 26 octobre 2014, les forces de police des États de l’Union Européenne (UE) procèderont à des contrôles massifs de personnes dans l’espace Schengen et aux frontières extérieures.
Une semaine après la commémoration du drame de Lampedusa d’octobre 2013, une « chasse aux migrants » nommée Mos Maiorum sera lancée, coordonnée par le ministère italien de l’Immigration avec le soutien de Frontex et d’Europol. Cette opération de grande envergure vise à intercepter et collecter des données personnelles sur les détenteurs de faux documents, les demandeurs d’asile déboutés et les passeurs.
Outre le fait grave que le Parlement européen ne semble pas avoir été averti de ce projet, le manque de clarté sur la base légale et la mise en œuvre de l’opération pose problème. Aucune information n’a été donnée sur les suites qui seront données à ces interpellations et si des opérations de retours conjoints seront prévues.
Une fois de plus, le séjour irrégulier est assimilé à un délit criminel, au mépris de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UE (arrêt El Dridi qui condamne la pénalisation du séjour irrégulier). Une fois de plus, les demandeurs d’asile sont perçus comme de potentiels fraudeurs. Une fois de plus, la collecte de données personnelles sert une véritable chasse aux « sans-papiers ».
À travers de telles opérations, les institutions européennes nourrissent le fantasme d’une invasion criminelle en Europe. Adjuvant d’une politique discriminatoire, l’agence Frontex entrave les droits des migrants et des réfugiés comme l’a démontré le bilan de la campagne inter-associative Frontexit.
Alors que la société civile, l’ONU et le Conseil de l’Europe appellent à cesser l’hécatombe en facilitant l’accès au territoire européen, les annonces par la Commission de mesures énergiques pour mettre fin aux "drames de la migration" sont restées lettre morte. L’absence de mécanismes communs de sauvetage en mer et d’accueil des migrants et des réfugiés contraste avec cette frénésie sécuritaire.
Les réseaux mafieux et criminels n’existeraient pas si des voies d’entrées dites légales étaient accessibles pour les personnes migrantes et réfugiées.
Depuis le début de l’année 2014, plus de 3 000 personnes ont trouvé la mort en Méditerranée. Le dialogue de sourds atteint son paroxysme.
La migration n’est pas un crime. Les migrants ne constituent pas une menace. Les réfugiés ont droit à une protection internationale. L’Europe doit cesser cette guerre meurtrière, dont Frontex est le symbole.
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