La sobriété en médecine au temps du Covid ?

Publié le mardi 27 avril 2021, par Sylvie Cognard

Le SMG relaie régulièrement des articles qu’il trouve intéressants pour nourrir les réflexions et alimenter les échanges. Pour autant, les points de vue et opinions exprimés dans ces articles n’engagent pas le SMG.
Dans cet article paru initialement dans le journal La Décroissance, Sylvie Cognard questionne le sens des métiers de soignant.es et le principe de sobriété dans la santé.

Sylvie Cognard, médecin de famille retraitée et membre du Syndicat de la médecine générale, contribue à la revue Pratiques, les cahiers de la médecine utopique. Elle a notamment écrit Toubib de cité, malade du régime. L’honneur de la désertion (éditions du Petit pavé, 2007).

Sylvie Cognard  : J’ai quitté mon métier de médecin de famille après trente ans d’exercice dans une cité qui rassemblait beaucoup de misère. Une désertion parce que le système ne me permettait plus de pratiquer mon art comme j’aimais à le faire, de manière sobre, sans appel exagéré aux spécialistes, aux médicaments et aux examens complémentaires, mais avec de l’écoute, du respect, du dialogue et de l’empathie.

J’ai toujours défendu la Sécurité sociale avec le principe « chacun cotise selon ses moyens pour recevoir selon ses besoins ». Côté rentrée des sous dans la caisse c’est la catastrophe et j’ai pu la décrire à maintes reprises en accord avec la plupart de la « mouvance de gauche ». Par contre côté dépenses, là je me suis heurtée à plusieurs murs. Quand j’avance, preuves à l’appui, que la plupart des maladies sont dues aux inégalités sociales, aux conditions de travail, aux problèmes environnementaux et à l’utilisation de certains traitements (Médiator, Dépakine, Distilbène), là on me demande de me taire. On m’accorde qu’il est vrai que tous ces facteurs conduisent à la production de maladies. Mais il est plus facile de « tout faire » pour tenter de les guérir ou tout au moins de les contrôler dans une débauche de moyens. Les autres combats sont bien trop vastes et durs à mener... Il faudrait changer de système ! Il est préférable d’entretenir les causes... Des causes qui permettent aux soignants de gagner leur vie et qui permettent au système de produire, surproduire du soin et de le vendre à un prix de plus en plus élevé sans aucun contrôle du marché. C’est la roue du hamster...

Il semble que questionner le sens de nos métiers de soignants soit politiquement incorrect. Le travail de soignant consiste à réparer des gens « tout cassé » pour les remettre dans le système du « travaille, consomme et ferme ta gueule ! ». Difficile de trouver un sens à la vie elle même, quant à la mort, il n’est plus question de mourir chez soi de « mort naturelle ». Les vieux inuits qui choisissent de s’éloigner de leur groupe pour aller finir leur vie sur la banquise, impensable de nos jours !

La Némésis médicale d’Ivan Illich est magnifiquement illustrée par la pandémie actuelle.

Un virus bien moins terrible que le bacille de la peste apparaît. Fuite de laboratoire ou transmission par un animal sauvage, peu importe, la Covid provient des conséquences du système d’accumulation infinie. Bien que la mort due à la faim dans le monde soit infiniment plus tueuse, il faut combattre ce virus comme si l’on était en guerre. Le mythe de l’immortalité entretenu par la médecine occidentale et ses prétendus progrès fait tourner à plein régime la roue du hamster. Atteints par une véritable psychose mondiale, les politiques ont choisi d’empêcher les jeunes de vivre pour faire survivre les vieux à coup de réanimation intensive. Jamais un vaccin n’a été fabriqué aussi vite et avec aussi peu de précaution. La Sécu, après avoir déboursé pour les tests, les masques pour les fragiles et les respirateurs, va débourser à nouveau pour les vaccins qui ne sont pas obligatoires mais... fortement recommandés.

Les gouvernements utilisent les mesures sanitaires pour réduire les libertés fondamentales, se réunir, manifester, rire, chanter, danser, s’embrasser. On tombe dans le totalitarisme sanitaire en réprimant et en taxant. Celui qui ne porte pas de masque devient un délinquant irresponsable.

Cette histoire vient nous rappeler que la domination du mode de vie et de la pensée occidentale s’est construite sur la violence physique, l’esclavage et le pillage. Ces violences ont façonné les esprits à obéir même à des ordres iniques. La politique de la peur et les médias à la botte empêchent de penser et de faire fonctionner l’esprit critique. Les dépressions, les décompensations psychiatriques, les suicides et les violences ne cessent d’augmenter alors que le système de santé mentale est totalement détruit.

La sobriété aurait-elle été de laisser ce virus circuler, d’accompagner dignement et avec empathie les malades, de renforcer les capacités immunitaires des individus en les rendant plus autonomes et moins dépendants ? L’effondrement du système qui s’annonce va forcer le monde à la sobriété de façon brutale, que ce soit dans le domaine des soins ou les autres.

Vos commentaires

  • Le 6 mai 2021 à 02:09, par Marianne En réponse à : La sobriété en médecine au temps du Covid ?

    Un article tristement juste, mais en même temps qui donne l’envie et la force de continuer à ne pas suivre la mouvance générale imposée 🙂 De penser le soin autrement et de mettre l’humain au centre.
    Merci pour ces mots.
    signé : une medecin généraliste qui essaie de s’y retrouver dans le système !

  • Le 8 mai 2021 à 10:49, par Régis Pluchet En réponse à : La sobriété en médecine au temps du Covid ?

    Tout le monde a oublié Ivan Illich et Sylvie Cognard rappelle à juste titre son ouvrage visionnaire : Némésis médicale, dont il faut souligner qu’il était sous-titré : L’expropriation de la santé. Illich constatait vingt-cinq ans plus tard que la situation n’avait fait qu’empirer et, dénonçant l’obsession de la santé parfaite, il écrivait : " Aujourd’hui, je commencerais mon argumentation en disant : « La recherche de la santé est devenue le facteur pathogène prédominant. » Me voilà obligé de faire face à une contre-productivité à laquelle je ne pouvais penser quand j’ai écrit Némésis ... " Tout le monde devrait relire cet article, paru dans Le Monde Diplomatique : http://www.monde-diplomatique.fr/1999/03/ILLICH/11802

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