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Paris, le jeudi 14 avril 2011 – Le Palais du Luxembourg sonnait hier probablement la fin d’un feuilleton législatif débuté à l’automne. Alors que s’ouvrait à l’époque l’examen d’un énième projet de loi sur l’immigration, le député UMP Thierry Mariani déposa un amendement visant à modifier les lois Debré et Chevènement. Ces dernières disposent qu’un étranger ayant pour lieu de « résidence habituelle » la France peut faire la demande d’un titre de séjour temporaire s’il est atteint d’une pathologie face à laquelle il ne peut « effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays ». Une circulaire datant de la date d’entrée en vigueur de la loi, en 1998 avait précisé qu’il s’agissait d’apprécier « non seulement l’existence des moyens sanitaires adéquats mais encore des capacités d’accès du patient à ces moyens ». En avril 2010, interrogé sur la portée de ces différents textes, le Conseil d’Etat avait tenu pour sa part à préciser que même dans le cas où des traitements existent en théorie dans un pays, un patient pouvait se prévaloir du fait que ses conditions socio-économiques ou géographiques ou d’autres caractéristiques exceptionnelles les lui rendaient inaccessibles.
Indisponibilité
Cette jurisprudence avait déplu fortement à plusieurs élus UMP dont Thierry Marini, dont certains n’hésitèrent pas à affirmer qu’elle dénaturait l’esprit de la loi initiale. Ces réflexions furent donc à l’origine d’un amendement qui prévoyait de transformer la notion de « non accès effectif au traitement approprié dans le pays d’origine de l’étranger » en une « indisponibilité » dudit traitement. Ce libellé avait suscité, jusque dans les rangs de la majorité, de fortes contestations. Le Sénat, par deux fois, se refusa d’ailleurs d’entériner le texte. Pour rejeter cet article 17 ter, les sénateurs soulignèrent que la loi existante ne représentait en rien une invitation universelle aux étrangers malades de venir se faire soigner en France et qu’elle mettait au contraire en place une solution permettant tout à la fois de répondre aux questions humanitaires et économiques en jeu.
Deux sans trois
Ces deux rejets des sénateurs ne suffirent cependant à certains députés UMP à renoncer. Hier, une nouvelle mouture de l’amendement a été présentée. Le texte prévoit que ne puisse être demandé un titre de séjour temporaire pour raisons de santé que dans le cas de « l’absence » du traitement dans le pays d’origine. Il précise néanmoins que dans des « circonstances humanitaires exceptionnelles », l’autorité administrative pourra néanmoins accorder le titre de séjour requis après avis du directeur général de l’Agence régionale de santé. Présenté comme un texte de compromis et soutenu par le gouvernement, le texte a finalement été adopté par le Sénat hier après-midi.
Les sénateurs priés de rester des godillots
Pour plusieurs associations qui depuis le mois d’octobre ont fortement réprouvé cette évolution de la loi, le texte ne représente nullement un compromis mais au contraire une aggravation de l’amendement initial. Rappelant qu’un grand nombre de traitements existent de fait dans la majorité des pays sans être pour autant facilement accessibles, elles regrettent par ailleurs que le soin d’apprécier « les circonstances humanitaires exceptionnelles » soit laissé aux instances administratives, privant la sphère médicale et judiciaire de toute possibilité d’intervention. Elles soulignent par ailleurs que l’immigration pour raisons de santé représente un phénomène plutôt rare. Le nombre d’étrangers malades résidant en France aurait de fait diminué de 20 % entre 2004 et 2008 selon un rapport récent du Comité interministériel de contrôle de l’immigration. Par ailleurs, en 2008, moins de 5 000 personnes ont obtenu un titre de séjour pour raisons de santé. Peu sensibles à ces arguments, les députés UMP soutenant le texte et le gouvernement ne l’auront pas été plus à la réticence des sénateurs – un nouveau témoignage du rôle de godillot qu’entend faire jouer l’exécutif aux assemblées.
Aurélie Haroche
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