Raoul Marc Jennar est docteur en science politique, chercheur sur les dossiers de l’Organisation Mondiale du Commerce dans l’ONG belge Oxfam Solidarité ainsi que pour l’Unité de recherche, de formation et d’information sur la globalisation (France).
Ce livre, très documenté, est l’aboutissement d’un dessein conçu avec Pierre Bourdieu : décrire l’Union européenne « telle qu’elle agit dans les faits et non telle qu’on nous la présente généralement ». Paru en avril 2004, ce livre met en évidence le fonctionnement non-démocratique des institutions, le poids sur celles-ci des lobbies industriels ; il décrit les orientations de l’Union européenne visant à la libéralisation et la privatisation des services publics dans le cadre de l’Accord Général sur le Commerce des Services au sein de l’OMC .
Raoul Marc Jennar critique le projet de constitution européenne et lance un appel pour une autre Europe. Ceux qui soutiennent que doit exister une véritable politique de santé publique et une véritable Assurance Santé solidaire trouveront dans ce livre de bonnes raisons pour voter non au référendum sur la constitution européenne .
Raoul Marc Jennar nous décrit le fonctionnement actuel de l’Union européenne, en particulier le pouvoir exorbitant de la Commission européenne ; cette instance, non élue, a un triple pouvoir : législatif (elle seule peut être à l’initiative des lois), exécutif et judiciaire. Elle s’appuie sur un comité d’experts nommé par les ministres de l’Union, Comité dit 133 (du nom de l’article du traité européen qui l’a crée) ; ce Comité a un rôle majeur dans toutes les négociations conduites par la Commission, en particulier à l’OMC, son fonctionnement est totalement opaque : ses documents ne sont pas accessibles aux parlementaires européens, ni nationaux. Le Parlement européen a au mieux un rôle législatif de co-décision. Des groupes organisés de lobbies industriels entretiennent des rapports officiels avec la Commission et le Comité 133 ; ils ont une influence importante sur les parlementaires européens.
Raoul Marc Jennar nous décrit, de façon très documentée, comment agit l’Union européenne et tout spécialement la Commission européenne au sein de l’OMC : son rôle moteur pour mettre en place l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) et libéraliser par étapes successives tous les secteurs de tous les services (y compris santé, éducation, culture...) ; il s’agit là des services publics de nos pays européens, mais aussi de ceux des pays du Sud soumis aux pressions des pays du Nord et tout particulièrement à celles de l’Union européenne : l’exemple donné des contraintes exercées sur le Cambodge lorsque ce pays a voulu entrer dans l’OMC est particulièrement instructif.
Un chapitre entier est consacré à la critique du projet de constitution européenne sous plusieurs angles : texte qui dépouille les démocraties nationales de leurs pouvoirs au profit d’un dispositif institutionnel qui n’offre pas les conditions de base du fonctionnement démocratique ; texte qui affirme à plusieurs reprises que l’Union européenne se fonde sur « le respect du principe d’une économie de marché où la concurrence est libre et non faussée » ; texte dans lequel les services publics deviennent des services d’intérêt économique général et des domaines comme la santé, l’éducation les services sociaux deviennent des compétences exclusives de l’Union pour lesquelles les décisions ne se prennent plus à l’unanimité, mais à la majorité ; enfin constitution immuable, puisqu’il ne sera possible de la modifier qu’avec l’accord unanime des Etats membres et la ratification de cette révision par chacun d’entre eux.
En conclusion, Raoul Marc Jennar nous dit qu’il n’y a pas de fatalité, qu’à l’heure actuelle nos gouvernements ont encore le pouvoir de limiter la Commission européenne dans sa volonté de privatisation de tous les aspects de la vie en société, il nous dit qu’une autre Europe est possible : une Europe des peuples, une Europe citoyenne ; il appelle à une refondation de la gauche pour refonder l’Europe, à une mobilisation sans précédent contre la marchandisation de l’Europe et du monde de toutes les forces associatives et syndicales, de l’ensemble du mouvement social et des acteurs politiques.