Des syndicats médicaux (1) et l’Assurance maladie viennent de signer cet été la nouvelle convention médicale qui va organiser l’offre de soins en médecine ambulatoire pour les cinq prochaines années.
Cette convention ne concerne pas uniquement l’organisme payeur de la protection sociale maladie et les médecins libéraux, elle définit comment les citoyens et plus particulièrement les personnes malades vont devoir utiliser ce système de soins.
Comme il l’a fait pour la loi HPST (2), le gouvernement trompe tout le monde ou presque, en enrobant l’essentiel de sa réforme, ici le paiement à la performance, par une multitude d’autres modifications. On ne peut que se réjouir de voir l’Assurance maladie honorer enfin ses engagements en contribuant de nouveau à la retraite des médecins conventionnés ou en assurant une meilleure prise en charge sociale des femmes médecins.
Mais l’arbre ne peut cacher la forêt, l’essentiel est ailleurs.
La médecine libérale est en crise, puisque aujourd’hui il y a plus de médecins qui la quittent que de médecins qui y adhérent. Cette convention, non seulement n’apporte pas de réponses suffisantes pour tenter de résoudre cette crise, mais en plus elle transforme la relation entre le médecin et le malade, puisque le nouveau mode de rémunération imposé aux médecins introduit le paiement à la performance.
Qu’il faille abandonner progressivement le paiement à l’acte est une évidence, multiplier les actes pour augmenter son revenu ne favorise pas une bonne médecine, mais lui substituer ce paiement à la performance est d’une grande perversité et un grand danger pour l’avenir. Ainsi, les médecins seront payés selon un système ultra complexe d’acquisition de points selon des critères en grande partie comptables qui n’ont été négociés ni avec les médecins, ni avec les associations de patients, et sont même parfois contestables pour l’amélioration de la santé. Pour être mieux rémunéré, le médecin choisira les malades qui lui rapporteront le plus de points, et de fait, s’occupera moins des malades plus compliqués, qui sont ceux qui ont le plus besoin de soins. En sachant que l’Assurance maladie imposera facilement ses contraintes, puisqu’elle est la seule à détenir les informations à partir des quelles elle propose les objectifs à atteindre pour chaque médecin. C’est déjà le cas pour le CAPI (3).
Le dilemme pour le malade sera donc à chaque consultation de savoir si sa situation favorise ou ne favorise pas l’acquisition de points pour son médecin ! Cela modifiera grandement la relation de confiance entre les médecins et la population.
Les conflits d’intérêt sont bel et bien introduits par cette convention.
Ce changement de paradigme dans l’évolution de la rémunération des professions de soins est inacceptable, d’autant plus que ce même texte conventionnel bride la mise en œuvre du tiers payant (4), cautionne les dépassements d’honoraires en actant la mise en place du secteur optionnel (5) et, ainsi, contribue à aggraver les inégalités sociales de santé et d’accès aux soins.
Le SMG rappelle ses propositions d’organisation du système de distribution des soins au service de la population et de la santé publique :
- Les activités de prévention, de formation, d’éducation à la santé, de participation à la permanence de soins, de coordination, de participation à des réseaux font partie de notre métier de généralistes. Elles doivent être intégrées à notre temps de travail et rémunérées en fonction du temps passé, de manière forfaitaire.
- Pour le suivi et les soins, d’autres modes de rémunération doivent être expérimentés par les médecins volontaires : salariat, capitation sur des bases de réduction des inégalités de santé ; les dépassements d’honoraires doivent être interdits.
- L’accès aux soins doit se faire à 100 % en tiers payant, sur la base de la solidarité nationale par les cotisations obligatoires de l’Assurance maladie. Il n’est pas admissible que des assurances privées fassent des profits sur la santé des citoyens.
- Les regroupements de professionnels de santé doivent être soutenus en évitant la complexité des nouveaux modes de rémunération actuels qui sont plus dissuasifs qu’encourageants.
- Si la qualité des soins ne peut entièrement se mesurer (part subjective), tout au moins, sa part objectivable doit être déterminée par consensus avec les professionnels de santé et la population (chaque acteur social possède son expertise), et non pas décidée sur des chiffres arbitraires ne prenant pas en compte les spécificités de nos exercices médicaux.
- Les besoins et objectifs de santé doivent être définis localement, avec la population, en intégrant les conditions de vie sociale et de travail. La santé ne doit pas être déconnectée de ces conditions de vie.
(1) Il s’agit de la CSMF, du SML, de MG France.
(2) Loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire votée en 2010.
(3) Contrat d’amélioration des pratiques individuelles (paiement individuel à la performance mis en place en 2009). Nous n’abordons même pas ici la question de la validité médicale et de l’indépendance de ceux qui établissent les indicateurs de performance, cette question se posant crucialement en France après l’affaire Médiator. http://www.smg-pratiques.info/CAPI-le-SMG-dit-NON,293.html
4) voir site SMG http://www.smg-pratiques.info/La-nouvelle-convention-de-2011.html
5) voir site SMG http://www.smg-pratiques.info/-secteur-optionnel-.html