Affections de longue durée (ALD) : de la prise en charge solidaire au marché des complémentaires ?
Le PLFSS (art.29) et le plan cancer II, annoncé par M. Sarkozy (mesure 25), prévoient d’entériner la sortie précoce des patients du dispositif ALD au prétexte, fallacieux, qu’ils seraient victimes de discrimination à l’embauche, au logement ou à l’accès à l’assurance. La ministre de la Santé, Mme Bachelot affirme même : " un malade guéri d’un cancer doit sortir de la trappe à exclusion qu’est la classification en ALD (1) ". Les conditions de la poursuite de la prise en charge doivent être fixées par un décret, après avis de la Haute autorité de santé (HAS), qui s’est prononcée pour "ne renouveler l’ALD cancer, au-delà de la durée initiale de cinq ans, que lorsqu’il y a nécessité de poursuite d’une thérapeutique lourde ou de prise en charge de séquelles".
Les critères médicaux retenus sont flous : les frontières temporelles entre guérison, rémission et rechute ne sont-elles pas aléatoires en cancérologie ? Si cette mesure est mise en place, les gens dits "guéris", devenus hors-ALD, ne seront plus encouragés à poursuivre une surveillance médicale régulière pour se faire dépister : les mesures administratives ne sont-elles pas le meilleur relais des politiques anti-sociales ?
Un cancéreux « guéri » ne coûte plus grand chose à l’Assurance maladie pour son suivi de surveillance annuel. Supprimer le dispositif ne rapportera donc pas grand chose pour combler le déficit de l’Assurance maladie. Le gouvernement ne veut-il pas plutôt faire passer à la trappe le dispositif de l’ALD, qui concerne 12% de la population ? D’autres pathologies non cancéreuses relevant de ce système solidaire risquent aussi d’y passer. Les motivations seraient alors d’ordre purement idéologiques : ouvrir le marché des soins lourds et prolongés aux complémentaires santé, et ainsi affaiblir la prise en charge solidaire par l’Assurance Maladie.
Les ménages les plus pauvres font déjà un effort trois fois plus grand que les plus riches pour se payer une complémentaire qui est de moins bonne qualité, 7% de la population n’a pas de couverture complémentaire (2), 14% des Français ont renoncé à des soins en 2006 (3), enfin en 2009, la santé coûte en moyenne 40 à 50 % plus cher aux familles qu’en 2001 (4). Mise en place dès sa création en 1945, la prise en charge à 100% par la Sécurité Sociale visait à favoriser les soins des patients ayant une maladie chronique comportant un traitement prolongé et particulièrement coûteux (5).
Ce sont les plus malades qui font les frais de réformes qui finissent par peser lourd dans leurs budgets (franchises, forfaits, déremboursements, dépassements d’honoraires). Même en ALD, la maladie coûte cher, de plus en plus cher. La « sortie » de l’ALD a toujours existé, vouloir inscrire dans une loi une durée maximale du dispositif, c’est s’engager dans une restriction du droit.
Le SMG s’inquiète de la politique du gouvernement en matière de soins et de santé, injuste et inégalitaire.
Le SMG s’associe au mouvement social et citoyen pour la sauvegarde de notre protection sociale solidaire et le traitement des causes environnementales des maladies chroniques, seul moyen d’en diminuer l’incidence.
- (1) Discours à l’Assemblée nationale (novembre 2009)
- (2) Questions d’économie de la santé, IRDES n°131, avril 2008
- (3) Enquête de la Dress
- (4) Les Echos, 12 novembre 2009 (étude Jalma conseil)
- (5) Maladies chroniques graves (cancers, maladies cardio-vasculaires et systémiques, troubles psychiatriques), polypathologies invalidantes ou pathologies nécessitant des soins de plus de 6 mois.